mardi 23 juin 2009

Lunar Park


Bret Easton ELLIS, « Lunar Park », Robert Laffont, 2005, collection Pocket.

Pourquoi faire compliqué quand on peut faire simple ? C’est ce que je répète toujours à mon mari qui s’obstine pourtant à m’expliquer à l’aide de grands discours argumentés comment ranger un placard de façon intelligente alors qu’il suffit de fermer la porte dudit placard et c’est bon comme ça j’ai pas que ça à faire... Pour les livres, c’est la même chose : pourquoi faudrait-il toujours en parler à grand renfort de palabres assommants qui n’ont pour effet que de nous donner envie d’allumer la télévision pour zapper entre « la Nouvelle Star » et « les Experts ». Un livre, c’est d’abord un voyage. On en garde des souvenirs, livresques d’accord, mais avec un peu de bonne volonté, on peut y mettre des images, se faire un bel album qu’on montrera à l’occasion à ses amis. Rares sont les gens qui font des conférences après un voyage (sauf, bien entendu, les ornithologues qui partent étudier la danse nuptiale des pigeons ou la psychologie des kangourous harcelés sexuellement).


Un voyage donc. Un jour peut-être, ce mot deviendra synonyme de « fiction », « roman ». Je l’espère. Où pourrait-on aller ? Envie d’une destination spéciale ? Los Angeles, ça vous dit ?



Une autofiction, un écrivain et son double, les pistes brouillées, ses obsessions, ses peurs, ses rapports à l’autre, la drogue, la paternité, la drogue encore, la descente aux enfers, une banlieue huppée, une maison cossue, un poste d’enseignant à l’université, une épouse célèbre, deux enfants, le luxe, des belles boutiques, des voitures rutilantes, des écoles élitistes, des voisins, la drogue toujours, des thérapies de couple, des voisins, toujours eux, des enfants qui disparaissent, la société toute entière alors et ses dérives qu’il faut bien dénoncer, la décadence, inévitable, invivable, la solitude entre tristesse et tendresse et puis la solitude encore encore et malgré l’argent, malgré la célébrité, le mal de vivre et pour seule échappatoire, les illusions, se leurrer soi-même jusqu’à…



Non ! je m’égare. Ne pas trop en dire ! Alors, pour faire court et vous donner envie de plonger dans ce livre qui – je m’en souviens, c’était il y a 3 mois – m’a empêchée de dormir : je ne pouvais pas le lâcher tant le style de Bret Easton Ellis est décapant, fascinant mais aussi - parfois - dérangeant. Il y a du « je », du « je » et du « je » en veux-tu ? en voilà mais c’est justement un des points forts de ce roman assez expérimental : on se confond avec le narrateur qui lui se confond avec l’auteur. « Lunar Park », c’est le roman du miroir (« Je ne veux pas avoir à clarifier ce qui est autobiographique et ce qui l’est moins. Mais c’est de loin le livre le plus vrai que j’aie écrit. Au lecteur de décider ce qui, dans Lunar Park, a bien eu lieu. »)



Bret Easton Ellis donc, une méga star, le leader d’une génération d’écrivains, le type qui dérange et qu’on censure, le post-ado qui avait vendu en un an 50000 exemplaires de son premier roman, le romancier des classes friquées, des « psychopathes de bonnes familles ». Bret Easton Ellis qui joue avec des personnages récurrents et dépravés à l’extrême (note à moi-même : je dois lire American Psycho je dois lire American Psycho je dois lire…) Bret Easton Ellis et la névrose qu’il insinue en nous, dans nos mains en tout cas qui ne peuvent plus fermer le livre. Tourner les pages tourner les pages tourner les pages mais on est où là ? et qu’est-ce que c’est que ce b*** ? c’est ce qu’on se dit d’un bout à l’autre des 472 pages.



Non mais lisez-moi cette 4e de couverture !


La gloire, l’argent, les femmes, les hommes, la drogue… Avec son premier roman, « Moins que zéro », publié alors qu’il n’avait que 21 ans, Bret Easton Ellis a tout eu. Et en grande quantité ! Mais au bout de deux décennies d’excès, de succès et de controverses, l’écrivain tente enfin de s’assagir et de mener, avec épouse et enfants, la vie rangée d’un banlieusard chic. Or, une série d’événements inquiétants et inexpliqués viennent bientôt renverser ce fragile équilibre matériel et mental : une poupée qui parle, une maison qui déraille, des enfants qui disparaissent et le fantôme de Patrick Bateman, le tueur d’American Psycho, qui rôde… Bret Easton Ellis croyait pouvoir échapper à ses démons : il lui faudra d’abord les combattre.



Pour info, ce roman a quand même été élu en 2005 meilleur roman de l’année par le magazine « Lire » (et on n’est pas toujours forcement d’accord avec leurs choix…)



Allez, assez lambiner : page 28 :

J’essayais de rester sobre, mais je commençais à ouvrir des bouteilles de chardonnay à dix heures du matin, et si j’avais tout bu la veille je me retrouvais assis dans la Porsche que j’avais louée pour l’été dans un parking de Bridgehampton à attendre que le marchand de vin ouvre sa boutique et à fumer une cigarette d’habitude avec Peter Maas qui attendait là lui aussi. Je venais de rompre avec un mannequin au cours d’une dispute curieuse pendant que nous faisions griller des maquereaux au barbecue – elle se plaignait de la consommation d’alcool, de la distraction, de l’exhibitionnisme, du truc gay, du poids que j’avais pris, de la paranoïa. Mais c’était l’été de Jeffrey Dahmer, le tristement célèbre tueur en série cannibale homosexuel du Wisconsin, et je m’étais convaincu qu’il avait agi sous l’influence d’American Psycho puisque ses crimes étaient aussi épouvantables et horribles que ceux de Patrick Bateman.
(extrait de Bret Easton Ellis, « Lunar Park »)

Pour les intéressés, une interview:

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