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mardi 1 décembre 2009

L'une et l'autre Critique

Le journal La Libre de ce mardi 1er décembre. Je suis tellement contente d'avoir lu ça aujourd'hui!
http://www.lalibre.be/actu/gazette-de-liege/article/546368/spa-se-decouvre-a-livres-ouverts.html


"Un ouvrage étrange, plein de mystère, de métaphores, d’histoires à quatre mains. Mais avant tout un roman plein de chaleur, de souffrances, d’incompréhensions et de silences. Maman de six enfants, Maddy Duchesne veut faire reprendre la plume à son auteur favori vivant dans le Midi. Mais celui-ci renâcle, veut couper les ponts avec cette lectrice qui en redemande. Et finalement qui écrit elle-même avec tact sur la solitude, la vie qui parfois se traîne d’ennui vers l’éternité. Beau à couper le souffle même si manque un brin l’envie d’aller plus loin."

samedi 28 novembre 2009

L'une et l'autre


A la demande de plusieurs personnes, je remets ici les informations sur mon joli petit livre. Beaucoup de travail aujourd'hui à la maison donc, je fais un copier-coller (et promis, bientôt, une chronique ou deux mais c'est qu'en ce moment, j'ai lu très peu de livres qui me donnent envie d'en parler. Il y a des périodes comme ça où rien ne nous emballe... c'est l'automne, ça doit être ça).

Donc, on a eu un article dans le journal La Meuse (un grand merci à Isabelle Debroux et à Luc, le photographe qui était très sympa)

http://www.lameuse.be/regions/liege/2009-11-25/flemalle-cette-femme-est-un-heros-742856.shtml


Pour lire (ou écouter) un extrait, c'est ici qu'il faut cliquer:

http://deslivresetdesanges.blogspot.com/2009/10/un-extrait.html

Voilà, que dire de plus? Le livre se vend bien, je suis contente et j'espère que d'autres personnes apprécieront encore mes petites histoires (et celles écrites avec g@rp) et puis tous ces personnages un peu seuls, un peu fous, un peu belges, un peu amoureux ça dépend...

Un grand merci, non! mille millions de mercis à mon amie Marie-Claire Demeur pour l'énergie qu'elle déploie pour ce livre, à Philippe Renard qui a passé des semaines enfermé dans un abri de jardin pour réaliser la peinture et à Guillaume Chassang, notre éditeur qui avait eu un coup de coeur pour ce recueil déguisé en roman. Merci aussi à tous ceux qui l'ont déjà lu et qui s'enthousiasment.

mardi 13 octobre 2009

Un extrait


Je viens de lire un livre super. Je suis contente. C’est un de ces romans tout simples qui vous aspirent, vous font du bien, mettent de la musique dans votre tête et des sourires dans votre cœur mais je vous en parlerai demain ou après parce que je n’ai pas le temps. Le temps… on passe sa vie à courir après sans jamais pouvoir l’atteindre, un peu comme les étoiles que l’on voudrait toucher du bout des doigts… mais en voilà assez avec les mots fleurs bleues aujourd’hui. Je voulais vous parler d’autre chose.


« L’une et l’autre », eh oui ! encore un tout petit peu, sans chercher à vous gaver. C’est seulement que plusieurs personnes m’ont demandé où j’avais trouvé le temps justement de l’écrire, ce recueil, et, à chaque fois (sans vouloir supposer que j’ai réalisé une prouesse), j’ai répondu « Je n’en sais rien, je sais pas ce qui m’a pris, je suis débordée, tout le temps en train de courir à gauche et à droite ». Je dis ça sans prétention ; il ne faut pas croire que je place mon petit recueil au-dessus de tous les livres que j’ai lus, loin de là mais je l’aime bien et j’ai envie que d’autres personnes le lisent, au moins deux ou trois, ce serait déjà bien. Le temps donc, je n’en avais pas. Pensez-vous : avec mes six galopins et mon boulot mais j’avais quelques histoires à raconter. G@rp m’a filé un coup de main sans que je lui demande. Ça s’est fait tout seul. (Ça n’a pas été facile, j’avoue, parce qu’il est du genre à râler pour un rien et moi aussi.)


Avant d’écrire, j’enregistre toujours une sorte de brouillon et, quand le texte est terminé, je l’enregistre à nouveau pour le corriger. Les mots sans la voix, ils ne sont pas grand-chose. Donc, pour peut-être vous donner envie de le lire, je vous mets un enregistrement qui traîne sur mon disque dur. C’est le début de « Le miroir d’eau ». Une histoire d’amour, un amour qui s’était caché dans les années, celles qui passent sans que l’on s’en rende compte. Le temps, encore lui, si on ne peut jamais l’atteindre vraiment, il est souvent magicien…


Au fait, l'enregistrement (en bas) est fait avec les moyens de la maison (et un accent maison aussi), dans ma cuisine, devant des pommes de terre.


L'extrait texte si vous préférez:


Quand j’étais en terminale, il y avait cette fille étrange qui arrivait le matin les mains dans les poches et repartait le soir sans jamais dire un mot, un bonjour. Rien. Elle ne disait rien. Jamais. A personne. Elle était comme invisible, si transparente que j’en viens à me demander comment et pourquoi je me mets à y repenser, maintenant, là, étendu sur mon lit. Ma mémoire l’avait chassée ; c’est étrange, cette manie qu’a notre cerveau de gommer certaines existences insipides et, à vrai dire, elle y avait tenu si peu de place, dans ma tête, que j’en viens à douter de l’avoir connue un jour. Quoi qu’il en soit, son visage déplaisant, presque hideux, vient de resurgir du passé et cela me met mal à l’aise…

Dans une heure, j’ai rendez-vous au bord de l’eau avec Florine. Je m’en réjouis depuis plusieurs jours. Florine est belle, gracieuse, drôle (ça lui arrive). C’est le genre de fille qu’un homme peut attendre très longtemps. Oui, vraiment, elle est tout ça et le temps n’en finit pas de me faire attendre moi aussi.

Dehors, en bas de l’immeuble, des voix qui passent. J’ai faim. Je me lève pour aller préparer un petit en-cas. Puis, assis sur la terrasse, j’avale machinalement des bouchées de sandwich au poulet en me laissant enivrer par les couleurs du fleuve qui miroitent du côté ouest de la ville. On appelle ça le miroir d’eau, quand la luminosité est telle que le fleuve se fait psyché. Bientôt, le soleil viendra s’y baigner. La vue est si belle que j’en oublie l’incessant tapage urbain. J’ai rendez-vous avec Florine et tout va bien ; je peux même m’assoupir, rêvasser un peu…

******

Aujourd’hui, Elisabeth fête ses vingt-six ans. En se levant ce matin, elle l’avait complètement oublié. Du coup, son humeur en a été légèrement affectée tout au long de la journée. « Ce sont des choses qui arrivent, se dit-elle pour se consoler, je ne suis pas impardonnable : je me lève 364 fois par an sans y penser… La prochaine fois, je veillerai à m’en souvenir. »

Sa journée de travail s’est donc écoulée dans une mélancolie relative. Des images de cadeaux ont titillé ses pensées pendant qu’elle remplissait les rayonnages chez Carrefour. A l’aide de petites secousses de la tête, elle essayait de les chasser. Aucun cadeau ne l’attendra ce soir ; elle le sait. Toute à ses réflexions, elle longe l’étroit trottoir qui s’étire le long de la Meuse. Chaque fois qu’elle fait un pas, une voiture la frôle. Parfois, c’est un camion qui fait trembler la chaussée. Au-dessus de sa tête, le ciel s’apprête à ravir le soleil pour l’engouffrer dans la nuit et déjà, les couleurs des eaux ronflantes déclinent. Les uns après les autres, les automobilistes allument leurs phares. Il commence à faire froid. On est en février, ce mois si court et si long. A une centaine de mètres devant elle, quelques oies sauvages ont fait halte. Sans prendre garde à la circulation, elles caquettent, sautillent, s’oublient sur la route. Coups de klaxon. Elisabeth tressaille : l’une d’entre elle a bien failli. Pour ne pas assister à un éventuel carnage, elle s’arrête et prend appui sur la balustrade de béton. Un moment se passe. Son regard s’abandonne derrière ses prunelles. Dans son dos, le vent s’est mis à souffler. Au-delà du fleuve, des immeubles déchirent le ciel. Pas de quai de ce côté. Un parc. Quelques arbres. Pas d’oiseau dans le ciel blafard.

« La nuit ne va pas tarder à descendre. La nuit qui descend… quelle étrange expression, dit-elle à voix haute. La nuit descend et moi, je monte dans les ans… Voyons voir, avant que la nuit ne s’écrase sur la ville, qu’est-ce que je souhaite pour mon anniversaire ? Que peut-on bien désirer pour ses vingt-six ans ? De l’amour ? Je suis si laide… De l’amitié ? Je suis si inintéressante… De l’argent ? Je m’en fiche… Du respect ? Pour quoi faire… Du rire alors ? Du bonheur ? C’est ça : du bonheur ?

« Du bonheur peut-être mais n’est-ce pas l’aboutissement de tout le reste ? » s’enquiert une silhouette surgie de nulle part. Sans lui accorder la moindre attention, Elisabeth soupire en resserrant son manteau de laine. Derrière elle, le Nord s’acharne et souffle. Sur le fleuve, une péniche chargée de sable jaune trace un sillon qui disparait aussitôt sur le miroir d’eau.

— Quoi alors ? continue-t-elle avec un soupçon de lassitude dans la gorge.
— Tu le sais bien, Elisabeth, ce que tu veux. Malheureusement, on n’est jamais en position de vouloir ; on ne peut qu’attendre. Depuis combien de temps attends-tu ?
— J’ai oublié, murmure-t-elle.
— Si tu as oublié, c’est que tu n’espères plus : l’espoir est nécessaire à l’attente, sinon rien n’a de sens.
— C’est vrai ça, oui, c’est bien vrai, concède-t-elle en se penchant vers le vide. Où étais-tu passé ? Je t’ai cherché pendant si longtemps.
— J’étais là mais je l’ignorais. J’ai pensé à toi aujourd’hui, avoue la silhouette avant de s’évanouir...





samedi 10 octobre 2009

L'une et l'autre: un extrait

Rébecca au pays du sommeil

Il est 04h37 et aujourd’hui, Rébecca doit mourir. Elle l’ignore encore parce qu’elle dort, lovée dans ces draps délavés qui la bercent depuis l’enfance. Ce n’est que plus tard au cours de cette journée printanière à venir, ensoleillée et insouciante qu’elle apprendra la terrible nouvelle. Pour être exact, ses yeux se fermeront une dernière fois à 21h22 quand, surgissant de la gueule béante et enténébrée du tunnel de la nuit, d’une sorte de nulle part inattendu, la mort arc-boutée sur le volant d’un bus jaune et bondé la fauchera, la projettera en l’air avant qu’elle ne retombe tête première sur le bitume râpeux où son crâne éclatera avec un craquement de noix qu’on écrase. En attendant, se profile devant elle une succession douce de quelques heures délicieuses capables, à elles seules, de remplacer volontiers les souvenirs de toute une existence ; car jusque-là, Rébecca a bien peu vécu, mais qu’à cela ne tienne, il est 04h39 et tout va bien pour la demoiselle. Elle dort, le visage posé sur l’oreiller. À ses pieds, un chat noir ronronne, s’étire et semble sourire, puis disparaît sous le lit.

Sur la table de chevet, un vieux réveil tique et taque les minutes dans l’obscurité, égrenant lentement le temps jusqu’à 05h43. À ses cotés un livre épais et grand ouvert, abandonné la veille. Lewis Carroll. Alice. Au pays des merveilles.

05h44 : dehors, la nuit, prête à détaler, se dégourdit les membres, taquinée par d’invisibles moineaux. Rébecca, elle, attend, les oreilles aux aguets, les jambes sur le qui-vive, que l’alarme l’invite à se lever mais, peu enclin à changer ses habitudes, le temps se prélasse et s'ankylose dans la pièce exiguë. Rébecca, à l’évidence, ne s’en formalise pas car attendre, elle sait le faire. C’est même ce qu’elle fait de mieux. En réalité, elle ne fait jamais rien d’autre. Elle attend, depuis une éternité maintenant, que les jours passent, filent en saisons, puis se tricotent en années. Elle est comme ça, Rébecca, désabusée. Elle vit seule, elle est vilaine. Ni compagnon, ni famille. Juste un chat indolent et quelques piles de vieux journaux entassés contre un mur. Ainsi, elle attend sans trop savoir ce qu’elle attend. Un changement, de l’imprévu, aime-t-elle à penser, qui finira bien par arriver mais rien ne presse ; chez elle, la patience est une seconde nature.

Tous les matins d’ailleurs, les yeux accrochés au plafond crépi et jauni de sa chambre, elle se réjouit que le réveil sonne six heures (ce qui ne manque jamais de se produire). Après, fichée sur l’unique tabouret de la minuscule cuisine, les pieds à vingt centimètres du sol, elle attend que le café coule, en pivotant de droite à gauche, puis de gauche à droite. Une fois le breuvage fumant avalé, elle bondit de son siège, s’éclipse derrière le rideau de douche craquelé, dans un coin de la cuisine, et n’en sort que lorsque les dix mètres carrés de son meublé sont plongés dans les vapeurs des effluves matinales. Parfumée au savon de Marseille, vaguement coiffée, elle jette en passant un œil à son reflet dans le rétroviseur lui tenant lieu de miroir, suspendu au-dessus de l’évier de la kitchenette. Elle grimace (toujours), se pince les lèvres et les joues jusqu’à ce qu’elles rosissent. Nouveau coup d’œil ? Verdict : pas terrible. Mine boudeuse suivie d’une autre grimace (un réflexe) et les yeux qui se mettent à rouler dans tous les sens. De l’évier à la penderie, de la penderie au lit, du lit à la poubelle, de la poubelle au rideau de douche, du rideau de douche à la fenêtre en bois vert, de la fenêtre en bois vert au rétroviseur. Stop ! Elle secoue ses boucles brunes, étire ses pommettes rondelettes, se tapote les joues et rechigne (souvent) à utiliser le stick de rouge à lèvres acheté en solde des mois auparavant. Alors, elle le caresse (parfois) avec son auriculaire pour s’en colorer les lèvres. Finalement, elle se trouve moins laide et même (rarement) un peu plus belle.

Une fois passé ce rituel futile et quotidien, elle sort acheter le journal au kiosque et un pain frais à la boulangerie. Nouvelle attente : la pancarte sur la porte indique « ouverture à 7h ». Il est 06h54. Inutile de s’impatienter : attendre, Rébecca sait le faire. Une fois de retour, elle n’enclenche pas la radio, ne passe plus devant le miroir, ne nourrit pas le chat et ne refait pas son lit. Elle s’assied, sur son tabouret pivotant, tartine de confiture à l’ananas des rondelles de pain grillé jusqu’à ce que la moindre parcelle en soit recouverte, avale machinalement chaque bouchée, les yeux suspendus au néant de ses murs blancs. Ensuite (systématiquement), elle se souvient qu’elle a acheté le journal oublié sur la commode à côté de la porte d’entrée. Un bond et retour à la petite table carrée qu’elle ne partage jamais avec personne. (Pourquoi ? Parce qu’elle est laide ? Probablement. Parce qu’elle attend de rencontrer la personne qui aurait envie de voir sa table ? Peut-être...) Assez brièvement ensuite, elle tente d’éplucher une rubrique ou l’autre mais très vite, ses yeux se mettent à cligner. De fatigue ? Oui, de fatigue. Rébecca, pour patiente qu’elle soit, a néanmoins l’œil paresseux. Ni myope ni astigmate, elle a tout simplement un regard fainéant, démissionnaire devant l’effort ; raison pour laquelle elle n’est jamais parvenue à décrocher le moindre boulot. Ni à entretenir la plus infime relation amicale ou affective. Elle fait partie de ces rares personnes qui sont dépourvues de toute faculté ou même d’envie de concentration oculaire. À la télévision, les images l’endorment ; à l’agence pour l’emploi, les formulaires à remplir la désespèrent ; au restaurant, les silhouettes de ses convives l’épuisent et dans l’intimité, avec les hommes, elle se lasse (se lasserait en vérité) en moins de temps qu’il n’en faut pour le dire. Pas qu’elle n’ait plus de projets, Rébecca : à vingt-huit ans, on a la vie devant soi ! mais ses yeux, eux, sont… blasés ? exigeants ? intraitables ? rêveurs ? Rêveurs, oui. De ces yeux qui souhaiteraient s’illuminer comme un arc-en-ciel cambré de part et d’autre de l’horizon pour mieux triompher d’un ciel capricieux. Et des yeux qui rêvent, ce sont des yeux absents, éteints : la vie, la vraie, est si terne et les rêves, lorsqu’ils finissent par se décolorer comme de vieux draps, deviennent éphémères chrysalides puis papillons qui s’envolent en noir et blanc pour aller mourir quelque part de l’autre côté de l’arc-en-ciel. Des regrets ? À peine. Des images, plutôt. Fugaces.

Ainsi, Rébecca attend tous les matins que son réveil sonne, que le café coule, que la buée recouvre les vitres, que la boulangerie ouvre, que ses tartines soient recouvertes de confiture à l’ananas, que son envie de lire les nouvelles l’abandonne et là, à partir de ce moment précis et étrangement immuable, sur le coup de 07h53, elle n’attend plus rien.

Pour le commander: Maddy Duchesne et g@rp, "L'une et l'autre", éditions Praelego, ISBN 9782813100320