Dans ma vie, il y a deux personnes qui m’impressionnent beaucoup. Il y a mon grand frère et mon amie Vinciane. Mon frère, c’est Buzz l’éclair. Je lui téléphone, je dis : « Raymond, c’est pas toi qui as mon taille-haie par hasard ? J’en aurais besoin un de ces jours. » À peine ai-je raccroché qu’on sonne à la porte. J’ouvre. C’est Raymond ! Je trouve ça assez flippant mais je ne me pose plus trop de questions depuis longtemps. Il va avoir 40 ans, on ne le changera plus et puis, on naît tous avec un petit don ou l’autre : Raymond, il a hérité de celui de vélocité. Ma vieille amie Vinciane (47 ans déclarés sur son CV), c’est autre chose. À croire qu’elle a beaucoup plus de pieds sous ses jupes que vous et moi parce qu’elle a un mal fou à les traîner. Vinciane n’est jamais à l’heure, Vinciane a besoin de plusieurs mois pour vous souhaiter bonne année, elle met 4 heures pour vous raconter qu’elle est tombée en descendant du bus et qu’on a vu sa petite culotte (je n’invente rien), 5 ans à se remettre d’une rupture après une histoire qui a duré 4 jours, 6 semaines à se rétablir d’un petit rhume pas bien méchant et j’en passe. Le comble avec elle, c’est sa vitesse de lecture : un an pour lire Anna Gavalda, deux pour Philippe Claudel. Elle achète rarement des livres, c’est moi qui la fournis. Bref. Il y a plusieurs mois, je lui ai prêté « Kaléidoscope » et, bien sûr, j’attends toujours qu’elle me le rende. J’avais très envie de vous donner envie à vous aussi de le lire et, sans le livre sous les yeux, ce n’est pas évident. J’ai bien la version informatisée en lien sur mon ordi mais moi, au-delà de 5 pages, sur écran… Je suis un peu myope et, j’avoue, sur mon PC, il y a Facebook qui me distrait beaucoup alors que dans mon canapé… Donc, relax, je vais essayer de vous présenter ce recueil de nouvelles sans l’avoir relu (ce qui peut-être intéressant : que garde-t-on d’un livre ? Ce sont les livres dont on se souvient qui nous façonnent en tant que lecteurs…)
Je me souviens d’un coup de foudre par écrans interposés, je me souviens aussi d’un chien qui se prend d’affection pour un vagabond, d’une maison close, d’un séminaire de management, d’un gardien de parking tué, d’un homme stressé levé trop tôt, de temps à tuer, d’un bistrot, d’un homme dans le bistrot avec un livre, d’une femme en admiration devant les hommes qui lisent (« C’est beau un homme qui lit. ») Et ma préférée, « Des coups et des couleurs », ce jeune adolescent qui dessine dans son coin alors que ses condisciples…
Quoi d’autres ? Des personnages attachants, des situations de la vie courante et pourtant… et toujours cette impression qui ne me lâchait pas : les nouvelles de g@rp ressemblent un peu à la vie, la vraie, sauf qu’il y a un soupçon de Vian entre les pages – parfois - à cause des jeux de mots, des petites désillusions sur lesquelles les personnages trébuchent par moment et puis il y a l’humour, incontestable (et pas indigeste pour un sou !)
Je me souviens surtout d’une grande qualité dans la construction de ses nouvelles. Des nouvelles, vous voyez de quoi on cause, là ? De ces petites histoires qui doivent surprendre, emballer, rythmer la lecture sans laisser le temps de respirer. Oui, de ça je m’en rappelle parce que doux Jésus ! des recueils de nouvelles « absolument génialissimes » qu’on m’avait conseillés et qui, in fine, s’avéraient aussi peu passionnants que le catalogue 3 Suisses automne-hiver 1978-1979, j’en ai lu (non : acheté, emprunté, perdu, jeté !)
Dernière chose avant la page 28 : la qualité du texte, j’insiste (et je ne suis pas du genre à dire que Marc Musso écrit bien). G@rp, il a un talent manifeste pour rechercher la petite tournure qui nous fait sourciller d’étonnement. Un champion des mots.
Quelques titres de nouvelles en vrac :
Le ridicule ne tue pas.
Tu et moi dans l’axe de mon cœur.
Camping gaz.
Tamagotchi.
Signé Vénus.
06h50 Corniche Kennedy (un régal, d’ailleurs primé lors d’un concours)
Page 28 :
Le décor : une maison close ; l’ambiance : la jalousie des employées à l’égard de l’une d’entre elles et derrière, toujours, le profit, la rentabilité… (Je n’en dis pas trop sur les nouvelles, d’abord parce que j’ai lu ça il y a de longs mois et parce que, comme je dis souvent, les nouvelles doivent être découvertes intégralement pour ne pas gâcher les bienfaits de leurs vertus)
- Ça ne peut pas continuer de la sorte, Madame, fit-elle en insistant sur chaque mot.
- Que veux-tu dire par là, ma fille ? Qu’est-ce qui ne peut pas continuer ?
Tout en remuant son thé, auriculaire aristocratique dressé, Madame parcourut les visages fermés de ses pensionnaires : à n’en pas douter, le problème était réel et allait exiger une solution. Accepter le dialogue ne suffirait probablement pas. Aussi reposa-t-elle lentement sa cuillère sur le bord de sa sous-tasse, se composant une attitude paisible, et attendit la suite, manifestement à l’écoute, leur offrant même le luxe de son sourire attendri numéro 32 - d’ordinaire réservé aux clients sinon mécontents du moins déçus.
Tosany chercha l’assentiment de ses consœurs avant de lancer précipitamment :
- Il n’y en a que pour elle.
Le visage de Madame se figea, trop brièvement cependant pour que sa surprise fut perceptible. De peur de voir son courage l’abandonner, Tosany ne s’était même pas interrompue.
- Les clients ne jurent que par elle. Lors de notre dernière assemblée générale (Madame leva un sourcil interrogatif. On en apprend tous les jours, se dit-elle) nous sommes parvenues à établir que la baisse de notre taux de fréquentation atteint les 30 à 40%. Chacune !
(extrait de g@rp Kaléidoscope)
Je me souviens d’un coup de foudre par écrans interposés, je me souviens aussi d’un chien qui se prend d’affection pour un vagabond, d’une maison close, d’un séminaire de management, d’un gardien de parking tué, d’un homme stressé levé trop tôt, de temps à tuer, d’un bistrot, d’un homme dans le bistrot avec un livre, d’une femme en admiration devant les hommes qui lisent (« C’est beau un homme qui lit. ») Et ma préférée, « Des coups et des couleurs », ce jeune adolescent qui dessine dans son coin alors que ses condisciples…
Quoi d’autres ? Des personnages attachants, des situations de la vie courante et pourtant… et toujours cette impression qui ne me lâchait pas : les nouvelles de g@rp ressemblent un peu à la vie, la vraie, sauf qu’il y a un soupçon de Vian entre les pages – parfois - à cause des jeux de mots, des petites désillusions sur lesquelles les personnages trébuchent par moment et puis il y a l’humour, incontestable (et pas indigeste pour un sou !)
Je me souviens surtout d’une grande qualité dans la construction de ses nouvelles. Des nouvelles, vous voyez de quoi on cause, là ? De ces petites histoires qui doivent surprendre, emballer, rythmer la lecture sans laisser le temps de respirer. Oui, de ça je m’en rappelle parce que doux Jésus ! des recueils de nouvelles « absolument génialissimes » qu’on m’avait conseillés et qui, in fine, s’avéraient aussi peu passionnants que le catalogue 3 Suisses automne-hiver 1978-1979, j’en ai lu (non : acheté, emprunté, perdu, jeté !)
Dernière chose avant la page 28 : la qualité du texte, j’insiste (et je ne suis pas du genre à dire que Marc Musso écrit bien). G@rp, il a un talent manifeste pour rechercher la petite tournure qui nous fait sourciller d’étonnement. Un champion des mots.
Quelques titres de nouvelles en vrac :
Le ridicule ne tue pas.
Tu et moi dans l’axe de mon cœur.
Camping gaz.
Tamagotchi.
Signé Vénus.
06h50 Corniche Kennedy (un régal, d’ailleurs primé lors d’un concours)
Page 28 :
Le décor : une maison close ; l’ambiance : la jalousie des employées à l’égard de l’une d’entre elles et derrière, toujours, le profit, la rentabilité… (Je n’en dis pas trop sur les nouvelles, d’abord parce que j’ai lu ça il y a de longs mois et parce que, comme je dis souvent, les nouvelles doivent être découvertes intégralement pour ne pas gâcher les bienfaits de leurs vertus)
- Ça ne peut pas continuer de la sorte, Madame, fit-elle en insistant sur chaque mot.
- Que veux-tu dire par là, ma fille ? Qu’est-ce qui ne peut pas continuer ?
Tout en remuant son thé, auriculaire aristocratique dressé, Madame parcourut les visages fermés de ses pensionnaires : à n’en pas douter, le problème était réel et allait exiger une solution. Accepter le dialogue ne suffirait probablement pas. Aussi reposa-t-elle lentement sa cuillère sur le bord de sa sous-tasse, se composant une attitude paisible, et attendit la suite, manifestement à l’écoute, leur offrant même le luxe de son sourire attendri numéro 32 - d’ordinaire réservé aux clients sinon mécontents du moins déçus.
Tosany chercha l’assentiment de ses consœurs avant de lancer précipitamment :
- Il n’y en a que pour elle.
Le visage de Madame se figea, trop brièvement cependant pour que sa surprise fut perceptible. De peur de voir son courage l’abandonner, Tosany ne s’était même pas interrompue.
- Les clients ne jurent que par elle. Lors de notre dernière assemblée générale (Madame leva un sourcil interrogatif. On en apprend tous les jours, se dit-elle) nous sommes parvenues à établir que la baisse de notre taux de fréquentation atteint les 30 à 40%. Chacune !
(extrait de g@rp Kaléidoscope)
J'oublie chaque fois de le dire: comment on fait pour se procurer un livre qui n'est pas/plus sur les piles exposées à la Fnac? On entre dans n'importe quelle librairie et on commande. Temps de livraison assez rapide en général, ou alors on commande sur Internet mais on doit prendre en charge les frais de port donc, dans ce cas, mieux vaut grouper ses commandes.
RépondreSupprimertu sais, quand j'ai commencé à lire ton article, j'ai cru que c'était déjà un extrait du livre tant ton style me fait plaisir! Je recherche des auteurs qui pourraient me faire rire autant que toi! J'aime bien ce que tu fais, tu as de la chance d'être toi, ne change surtout pas!
RépondreSupprimerPS: je vais commander au moins 3 livres provenant de tes expériences pagevingthuitèsques...
Ah! Laurence! je te reconnais bien là!!! toujours emballée! :) Merci en tout cas!
RépondreSupprimerMerci mille fois, Maddy pour ce papier qui m'a fait rougir jusqu'à la racine des cheveux qui me restent. Même si Kaléidoscope date d'un petit moment, découvrir que de nouveaux lecteurs aiment mes bêtises fait toujours le même effet : surprise, puis sourire et rougissement.
RépondreSupprimerMerci aussi à Laurence pour son enthousiasme communicatif (si, si !)
Et puis...heu...sinon, je ne saisplus quoi dire, là.
Vous m'avez coupé la chique, toutes les deux, les mots me manquent. Si je ne les ai pas retrouvés dans un an et un jour, ils sont à vous.
Note à moi-même : arrêter de taper n'importe quoi. Plutôt aller prendre une douche froide.
Glacée, même.
Encore une fois... non, plusieurs fois : merci.
Bien trop modeste, cet auteur zébulonesque. Pourtant, il est du sud, et ça doit pas toujours être simple de se concentrer avé tout ce soleil.
RépondreSupprimerBises Bô moustachu.