dimanche 5 juillet 2009

Un hiver avec Baudelaire


Harold COBERT, "Un hiver avec Baudelaire", éditions Héloïse d'Ormesson, 2009.



Les livres édités par Héloïse d’Ormesson, j’aime bien. Leurs couvertures, je les trouve toujours si jolies… Celle-ci en particulier, c’est ce qui m’a d’abord attirée. Et puis le titre « Un Hiver avec Baudelaire » quand même… que de poésie dans quatre mots ! Dès qu’il est sorti, j’ai couru chez mon petit libraire sympa mais j’ai dû le sermonner un peu. Il avait pas mal de nouveautés en magasin et justement pas Le livre que je voulais. Non mais ! Il s’est excusé. Il était confus. Il m’aime bien, je crois ; je dois être sa meilleure cliente parce qu’ici, c’est un peu le bout du monde…



Quelques jours plus tard donc, je repartais avec le livre par une journée chaude et ensoleillée. Fin d’après-midi, les enfants dans la piscine, moi dans mon transat. Une page, une deuxième… « Eh ! maman, on mange pas ce soir ? »
Allez, je m’égare encore. Parler du livre dont l’histoire est bien plus intéressante que mes petites tranches de vie !



Quatrième de couverture, pour vous mettre « dans l’ambiance » :


Sa femme l'a mis dehors, son CDD n'est pas prolongé. Philippe est happé dans la spirale infernale et passe de l'autre côté de la barrière sociale : SDF, confronté à la dure loi de la rue, faite de solitude, de honte et de violence. Jusqu'au jour où il rencontre Baudelaire. Grâce à cet inénarrable compagnon d'infortune, et avec l'aide d'un vendeur de kebab, d'une riche veuve et d'une dame pipi, il réussit à remonter la pente. Et à retourner à une vie normale. Plongée sans fard dans le quotidien des plus démunis, "Un hiver avec Baudelaire", en mêlant romanesque et vérité sociale, poésie et âpreté, rappelle cet équilibre précaire qui régit nos vies.



J’avoue, au début, les péripéties de ce type qui perd sa femme, son emploi et se retrouve dans la rue m’a paru un peu « réchauffé ». On a tous en tête le film «Une époque formidable » avec Gérard Jugnot et pourtant, si vous saviez dans quel état ce récit vous met au fil des pages et combien vous ne vous attendez pas à lire cette histoire !


Une question alors : comment Harold Cobert parvient-il à émouvoir autant avec un sujet maintes fois ressassé chaque hiver aux infos ? Des sans abris, des SDF, on en croise tous. On les plaint du bout des yeux, parfois, on lâche une pièce puis on n’y pense plus. Nous, on est bien à l’abri et on se dit qu’on le sera toujours. Alors quoi ? Qu’est-ce qu’il a de spécial ce bouquin ? Comment l’auteur réussi-t-il donc à nous faire ouvrir les yeux sur les grandes villes et leur lot d’indifférence ? Comment arrive-t-il, mine de rien, à nous obliger à poursuivre la lecture sous peine d’avoir l’impression de laisser tomber Philippe dans la jungle parisienne ?



Là est le secret de ce livre. On appelle ça un « petit plus », la petite touche qui nous fait dire : « Du réchauffé ? Sûrement pas ! »



Le « petit plus » du roman donc, c’est cette impression de « neutralité », parler d’un drame comme d’un récit de voyage, ne pas juger, ne pas s’impliquer mais raconter, témoigner et l’émotion, elle nous vient bien toute seule au cœur !



Harold Cobert nous met ainsi dans les mains d’un narrateur qui a l’air de filmer le périple de son personnage à travers Paris. Philippe, c’est un brave père de famille mais victime de tous les travers de la société capitaliste. Le profit, la rentabilité, la performance, au travail, dans son mariage ou c’est la porte, la rue !



La rue, on y est pendant 267 pages et je défie le lecteur de se sentir la force d’abandonner, en cours de lecture, Philippe à son sort ! Non, Philippe, on souffre avec lui, on s’accommode avec lui du bitume, de la mendicité sans laquelle on ne survit pas, du froid aussi, de l’indigence, de la saleté et de l’indifférence. Philippe, ses souffrances deviennent les nôtres comme le deviennent aussi ses joies et les preuves d’amitié qu’il finit par recevoir. L’amitié, justement, celle qui se tapit dans un coin, jamais là où on aurait pensé la trouver… Baudelaire, un nom, un poète, un chien... et quel chien!



Mais j’en dis trop. Un extrait. La page 28 et pour le reste, je me contente d’essayer de vous communiquer le plaisir que j’ai eu à lire ce livre.


Philippe, sur son lieu de travail, avant de perdre son emploi. Sa femme vient de le mettre dehors, il se démène entre la recherche d’un appartement et l’obligation de rentabilité. Il est bien loin d’imaginer ce qui va lui arriver…



Neuf heures passées. La vaste salle des commerciaux et des VRP bruisse comme une ruche. Quatre double rangées de néons quadrillent le plafond, projetant une lumière de bloc opératoire. L’absence de séparation entre les bureaux, groupés par rectangle de six, interdit toute intimité et limite les moments d’inactivité. Devant, derrière, à droite, à gauche, il y a toujours quelqu’un à proximité susceptible de surprendre et d’entendre une conversation, privée ou professionnelle, de voir sur quoi travaille un tel, sur quel site surfe un autre. Pour trouver un peu de calme et de solitude, il faut descendre dans la rue et prendre ainsi une pause aux yeux de ceux qui ne quittent pas leur poste de travail. Tout est fait pour que rien ne détourne l’attention du seul salut métaphysique viable : vendre un bon de commande. […]
Tandis que tout le monde s’agite déjà – relance de clients, démarche téléphonique sauvage, prise de rendez-vous -, Philippe note subrepticement quelques numéros d’hôtels à appeler pour la nuit prochaine.
(Extrait de Harold Cobert, "Un hiver avec Baudelaire")



À noter aussi de superbes descriptions de Paris. Pas de grandes pages redondantes mais des petites phrases, des petits paragraphes qui raviront les amateurs.

3 commentaires:

  1. A savoir qu'une partie des droites d'auteur du livre sera reversée au Fleuron Saint-Jean, la péniche qui accueille les sans-abris et dont il est question dans ce roman. Et, comme le dit si bien Harold Cobert, "Il n'y a pas de petits gestes, un élan est toujours grand."

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  2. joli papier.
    et joli blog; j'adore l'idée de la page 28 !
    bonne continuation,

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  3. Merci! J'esère bientôt revoir le design mais chaque chose en son temps. :)

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