samedi 11 juillet 2009

La Route


Cormac MC CARTHY, « La Route », Editions de l’Olivier, 2008.



Il pleut. Par moment, un rayon de soleil nous fait croire qu’il va percer et puis non, il pleut à nouveau. C’est une pluie de Belgique, fine et tenace, un mois de juillet qui ressemble aux précédents, capricieux, décourageant. Les enfants sont survoltés… Je n’en pouvais plus. Je les ai collés devant un vieux film. J’ai dit, Vous regardez et je poserai des questions pour savoir qui est le plus intelligent. Les grands ne sont plus dupes : ils ont jeté les yeux au ciel et filé dans leur chambre. Les petits par contre devraient me laisser deux heures de répit, le temps pour moi de parler d’un livre, de vous donner envie de le lire. C’est pour ça que j’écris mes petites critiques qui n’en sont pas : donner envie. De lire. Lire.



Je suis plongée dans Nabokov. 500 pages… Plus de 100 pages par jour, avec le train train, c’est difficile donc, je parcours du doigt ma bibliothèque… Cormac Mc Carthy, « La Route » !



Lire « La Route ». Ma chronique pourrait s’arrêter là. Mc Carthy. Une valeur sûre. Un géant. Un survivant parmi les maîtres américains. Une ermite qui peut prendre 20 ans pour peaufiner un roman (20 ans !) Mc Carthy. L’auteur de « Non, ce pays n’est pas pour le vieil homme ». Mc Carthy et le souffle titanesque de ses récits. Mc Carthy. Prix Pulitzer, rien que ça… Cela vaut-il la peine que j’en dise plus ? Peut-être, pour ceux qui ne le connaissent pas encore. À ceux-là alors, je dis « lisez ‘La Route’ et vous comprendrez ».



Quatrième de couverture ? Pourquoi pas.


L'apocalypse a eu lieu. Le monde est dévasté, couvert de cendres. Un père et son fils errent sur une route, poussant un caddie rempli d'objets hétéroclites et de vieilles couvertures. Ils sont sur leurs gardes car le danger peut surgir à tout moment. Ils affrontent la pluie, la neige, le froid. Et ce qui reste d'une humanité retournée à la barbarie. Cormac Mc Carthy raconte leur odyssée dans ce récit dépouillé à l'extrême.



Des images ? Oui, sous forme de mots, ceux de l’auteur parce que je n’oserais jamais y substituer les miens.


Les nuits obscures au-delà de l’obscur et les jours chaque jour plus gris que celui d’avant…

Ils étaient sur la route…

Ils poussaient le caddie…

La route était déserte…

Il faut qu’on fasse demi-tour…

Est-ce qu’on va mourir ?

Un jour. Pas maintenant…

Si tu mourais je voudrais mourir aussi…

Ils traversèrent la ville…

Les flocons gris mouillés, tournoyant et tombant, surgis de rien…

Il avait rêvé qu’il marchait dans un bois en fleur…

Et les rêves si riches en couleurs…

Manger.

Je veux que tu boives tout.

C’est parce que j’en aurai jamais d’autre à boire, hein ?

C'est long jamais.

L’obscurité de la lune invisible.

Ils sont partis. Ils ont emporté le monde avec eux...

Pas d’autre histoire à raconter.

Descendre et quitter la neige…

Qu’est-ce qui leur est arrivé ?

Je ne sais pas exactement…

On n’est pas des survivants. On est des morts-vivants.

Un des types qui s’approchait…

Continue d’avancer…

Ne regarde pas. Regarde-moi. Si t’appelles t’es mort.

D’accord…

Si tu as peur, appelle-moi et je viendrai…

J’ai peur…

On ne va pas mourir…

D’accord…

Quand ils se furent éloignés…

Sur le matelas gisait un homme amputé des jambes…

S’il vous plait, aidez-nous…

Dépêche-toi. Pour l’amour de dieu dépêche-toi…



Que dire en réalité de ce roman, de ce chef d’œuvre qui n’ait déjà été dit, écrit ? Lisez les critiques et vous comprendrez. Radoter pour radoter n’a aucun sens. Mieux vaut aller droit au but. « la Route », c’est le roman de l’entre-deux. Deux mondes, le nôtre et celui de demain, peut-être… On ne sait pas exactement où on est, ni depuis combien de temps le monde a été réduit en cendres. On sait qu’on descend vers le Sud, qu’il ne reste rien, que sa vie à protéger, et des cendres, des ruines, des cadavres, des conserves avariées, des carcasses, des ombres et la peur au ventre. La peur encore et la pluie, le vent, la nuit, la neige, des ombres encore et toujours il y a forcément quelqu’un juste derrière ne pas se retourner ! et surtout cet amour d’un père pour son fils, cet amour écrit si simplement et qui bouleverse. C’est ça, « La Route », un bouleversement, le livre le plus beau que j’aie jamais lu mais aussi le plus ignoble : 244 pages de phrases dépouillées, de philosophie et d’apocalypse. 244 pages que vous n’êtes pas près d’oublier !



Page 28 quand même, pour donner le ton.



La porte moustiquaire pourrie gisait derrière la maison sur la terrasse cimentée.
On va entrer là-dedans ?
Pourquoi pas ?
J’ai peur.
Tu ne veux pas savoir où j’habitais ?
Non.
Il n’y a rien à craindre.
Il y a peut-être quelqu’un ici.
Je ne crois pas.Mais suppose que si ?

Il s’était arrêté les yeux levés sur le pignon de sa chambre d’autrefois.
Tu veux attendre ici ?
Non.
Tu dis toujours ça.
Je te demande pardon.Je sais.
Mais tu le dis quand même.

Ils se débarrassèrent de leurs sacs à dos et les laissèrent sur la terrasse et se frayèrent un chemin sur la véranda en repoussant du pied les détritus et entrèrent dans la cuisine. Le petit ne lâchait pas sa main. Tout était plus ou moins comme il s’en souvenait. Les pièces vides. Dans le réduit derrière la salle à manger il y avait un petit lit en fer sans literie, une table métallique pliante. La même grille en fonte dans la petite cheminée. […] C’était ici qu’on fêtait Noël quand j’étais petit. Il se retourna et regarda la cour dévastée…

(Extrait de Cormac Mc Carthy, « La Route »)

1 commentaire:

  1. Les images sous formes de mots que tu cites forment une bande annonce 1 000 fois meilleure que celle du film qui a l'air dans les tuyaux U.S.
    Un film qui, après visionnage de la bande annaonce, ne rendra pas hommage au livre.
    Loin s'en faut.
    Tu sais ce qui m'a marqué, dans les dialogues père/fils ?
    Ces simples "D'accord"
    Simples et si plein de sens à la fois.
    Merci de m'avoir rappelé tout celà.

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