Grégoire POLET, « Leurs vies éclatantes », Gallimard, 2007.
Quand j’étais petite, je me souviens, ma maman me parlait de ses anciennes lectures. Elle les évoquait vaguement en épluchant les pommes de terre quand j’avais un devoir à rendre pour le cours de français. Je lui posais une question ou deux et plus moyen de la faire taire. Il ne lui restait que des bribes et des émotions de ses lectures passées, surtout des émotions, parce que le temps avait fait son travail et que c’est bien ce que l’on retient d’un livre, les émotions, mais au moins avait-elle quelque chose à dire. Au-delà de la qualité d’un texte, de la trame et des personnages, les émotions restent, nous poursuivent. Des empreintes, on pourrait dire ça comme ça. Elle parlait de Zola, de Troyat.. Elle se souvenait: Zola était décrié par son professeur… Des livres, moi aussi, j’en ai lu. Des « empreintes », j’en ai des paquets au fond de la gorge…
Les magazines littéraires, j’aime bien. Les critiques, les chroniques des nouveautés, je les lis dès que j’en ai l’occasion. Parfois, dans un article, on ressent bien l’émotion de la personne qui évoque le livre et là, j’hésite rarement : j’achète. Pourtant, il faut bien l’avouer : les chroniques littéraires sont souvent assez « neutres » ou carrément assommantes alors qu’il suffirait d’une phrase, d’un mot pour que l’on s’emballe… Mais non, au lieu de cela, on a l’impression de lire un exercice de style, on nous parle comme si on avait lu le livre ou qu’on en avait entendu parler. Je ne dis pas ça pour mettre mes petites chroniques en valeur et je ne prétends pas faire mieux, loin de là. Je dis juste : « Parlez-nous d’émotions, d’empreintes et les palabres, les discours ampoulés, ils viendront bien après… » (Si un livre m’a plu, j’apprécie la lecture d’articles fouillés mais avant la lecture, cela me rebute.)
Alors, je me dis, là, en ce moment « De quel livre je pourrais parler sur ce blog ? Un livre que j’aurais lu il y a déjà un certain temps. Un livre qui aurait rempli généreusement mon « camion à émotions ». Je cherche, réfléchi, sans parcourir ma bibliothèque, en équeutant des kilos de fraises (saison des confitures oblige) et… youplaboum ! je m’exclame devant mes petits ahuris. « Leurs vie éclatantes » bien sûr ! Grégoire Polet forcément ! Attention, on parle littérature là ! de ces phrases, ces pensées, ces tournures, ces descriptions et dialogues qui vont vous faire tournoyer les prunelles dans tous les sens.
Impressions, émotions en veux-tu en voilà :
Un bandeau rouge autour du livre : « Une semaine sur la terre ».
Six jours : lundi, mardi, mercredi, jeudi, vendredi, samedi.
Un moi de mai caniculaire.
Une ville : Paris.
Un quartier : Saint Supplice.
Deux trames entremêlées : la préparation d’un mariage et celle d’un enterrement.
Des personnages : une bonne vingtaine, qui se croisent, se ratent, s’aiment, se quittent autour de la vieille église.
Un bus : le 63, qui vient et qui va.
Des conversations : par bribes, des réflexions aussi sur la peinture, la littérature, la musique…
De la musique alors : dans nos yeux (mais oui, c’est possible !)
Des sensations deux ans après la lecture: la chaleur, les hasards, des points de vue, des âmes en peine, l’amour, l’indifférence, la chaleur encore, Paris, Paris toujours et mis en scène magistralement, des « effets de montage » comme au cinéma, un cercle qui s’élargit sans pourtant déborder du quartier de Saint Supplice, Paris encore, des rues, des rencontres, des terrasses sur les toits, de la musique comme si on l’entendait et sans arrêt ce jeu de télescope qui va et qui vient d’une vie à l’autre…
Stop ! ou je ne pourrai plus m’arrêter.
En quelques mots : Grégoire Polet a écrit cette perle, ce joyau, alors qu’il avait (je crois) 28 ans. Édité chez Gallimard. C’est son troisième roman. Encore une émotion qui reste restera longtemps : comment peut-on être si doué à 28 ans ?
Une envie alors : vous le faire découvrir, vous plonger dans ce jeu de lumières braquées sur tous ces destins entremêlés, vous laisser guider par les rééflexions de l'auteur sur l'amour, entre autres, et... pas de page 28 parce qu’elle est faite essentiellement de dialogues. Une page au hasard, dans la masse (469) que je vais ouvrir mais attention, si vous le lisez, vous risquez d’en corner vous aussi.
La page 75, bonne idée ! Je vous emmène gare du Nord. J’aime les descriptions de gares. Celle-ci, je l’adore. Édith Jacot arrive à Paris pour les funérailles de son père :
Les magazines littéraires, j’aime bien. Les critiques, les chroniques des nouveautés, je les lis dès que j’en ai l’occasion. Parfois, dans un article, on ressent bien l’émotion de la personne qui évoque le livre et là, j’hésite rarement : j’achète. Pourtant, il faut bien l’avouer : les chroniques littéraires sont souvent assez « neutres » ou carrément assommantes alors qu’il suffirait d’une phrase, d’un mot pour que l’on s’emballe… Mais non, au lieu de cela, on a l’impression de lire un exercice de style, on nous parle comme si on avait lu le livre ou qu’on en avait entendu parler. Je ne dis pas ça pour mettre mes petites chroniques en valeur et je ne prétends pas faire mieux, loin de là. Je dis juste : « Parlez-nous d’émotions, d’empreintes et les palabres, les discours ampoulés, ils viendront bien après… » (Si un livre m’a plu, j’apprécie la lecture d’articles fouillés mais avant la lecture, cela me rebute.)
Alors, je me dis, là, en ce moment « De quel livre je pourrais parler sur ce blog ? Un livre que j’aurais lu il y a déjà un certain temps. Un livre qui aurait rempli généreusement mon « camion à émotions ». Je cherche, réfléchi, sans parcourir ma bibliothèque, en équeutant des kilos de fraises (saison des confitures oblige) et… youplaboum ! je m’exclame devant mes petits ahuris. « Leurs vie éclatantes » bien sûr ! Grégoire Polet forcément ! Attention, on parle littérature là ! de ces phrases, ces pensées, ces tournures, ces descriptions et dialogues qui vont vous faire tournoyer les prunelles dans tous les sens.
Impressions, émotions en veux-tu en voilà :
Un bandeau rouge autour du livre : « Une semaine sur la terre ».
Six jours : lundi, mardi, mercredi, jeudi, vendredi, samedi.
Un moi de mai caniculaire.
Une ville : Paris.
Un quartier : Saint Supplice.
Deux trames entremêlées : la préparation d’un mariage et celle d’un enterrement.
Des personnages : une bonne vingtaine, qui se croisent, se ratent, s’aiment, se quittent autour de la vieille église.
Un bus : le 63, qui vient et qui va.
Des conversations : par bribes, des réflexions aussi sur la peinture, la littérature, la musique…
De la musique alors : dans nos yeux (mais oui, c’est possible !)
Des sensations deux ans après la lecture: la chaleur, les hasards, des points de vue, des âmes en peine, l’amour, l’indifférence, la chaleur encore, Paris, Paris toujours et mis en scène magistralement, des « effets de montage » comme au cinéma, un cercle qui s’élargit sans pourtant déborder du quartier de Saint Supplice, Paris encore, des rues, des rencontres, des terrasses sur les toits, de la musique comme si on l’entendait et sans arrêt ce jeu de télescope qui va et qui vient d’une vie à l’autre…
Stop ! ou je ne pourrai plus m’arrêter.
En quelques mots : Grégoire Polet a écrit cette perle, ce joyau, alors qu’il avait (je crois) 28 ans. Édité chez Gallimard. C’est son troisième roman. Encore une émotion qui reste restera longtemps : comment peut-on être si doué à 28 ans ?
Une envie alors : vous le faire découvrir, vous plonger dans ce jeu de lumières braquées sur tous ces destins entremêlés, vous laisser guider par les rééflexions de l'auteur sur l'amour, entre autres, et... pas de page 28 parce qu’elle est faite essentiellement de dialogues. Une page au hasard, dans la masse (469) que je vais ouvrir mais attention, si vous le lisez, vous risquez d’en corner vous aussi.
La page 75, bonne idée ! Je vous emmène gare du Nord. J’aime les descriptions de gares. Celle-ci, je l’adore. Édith Jacot arrive à Paris pour les funérailles de son père :
Arrivée matinale du train de Bruxelles en gare du Nord, quai 8. Cordon de voyageurs plus ou moins pressés le long des voitures rouges et de la locomotive de tôle au front défiant couvert d’un millier d’insectes morts, d’ailes collées tirées par la vitesse en larmes sèches, de fientes. Deux forts pistons d’acier mat plantés dans un rectangle de béton, en prévision d’un train qui n’aurait pu freiner. Un filtre distendu de douaniers, des chiens muselés, l’aller-retour des sentinelles, un doigt sur la détente de leur arme noire. La voix d’une femme qui résonne énorme sous la verrière et qui annonce les horaires. La foule intranquille des halls de gare, l’activité mondiale des téléphones portables et la lourde besace de cuir beige qui pèse sur l’épaule d’Édith Jacot, celle des filles Jacot qui manquait encore. Elle manipule un ticket mauve en descendant vers le métro.
La douleur dans ses yeux devient insupportable. Sur le quai de la ligne 4, elle s’assied sur une coquille de plastique vert, un peu chaude, et s’affaire à retirer ses verres de contact, qu’elle range dans une double boîte ronde et plate en forme de huit ou de lorgnon. Tout devient flou, mais c’est tout de même mieux ainsi.
(Extrait de Grégoire Polet, « Leurs vies éclatantes »)
Voilà, il me reste à ne pas vous dire que ce roman avait été sélectionné pour le Prix Goncourt 2007, (pour ne pas vous gâcher la lecture).
Voilà, il me reste à ne pas vous dire que ce roman avait été sélectionné pour le Prix Goncourt 2007, (pour ne pas vous gâcher la lecture).
Pour la taille des polices, désolée, il va falloir que j'appelle le service d'entretien demain matin. ;)
RépondreSupprimerNote du service d'entretien : veuillez nous excuser pour ce retard indépendant de notre volonté. Tout est désormais rentré dans l'ordre.
RépondreSupprimerEn vous remerciant encore de la confiance que vous accordez à nos services.
Le SAV de chez Madd(art)y ;-)