samedi 15 août 2009

Mort d'un parfait bilingue


Thomas GUNZIG, « Mort d’un parfait bilingue », Editions Au diable vauvert, 2001 (Folio 3734)

Bon, maintenant, on ne pourra plus dire que je ne lis que des bouquins pour gonzesse. Dans celui-ci, il y a des cadavres dans des voitures, des gars qui cassent les orteils, des infirmières abominables qui rêvent de tuer leurs patients, des hélicoptères partout qui retransmettent des images de guerre insoutenables, des téléspectateurs qui s’en gavent en avalant des Kelloggs, des passagers flingués à bout portant dans des bus, des amphétamines pour tout le monde, des terroristes planqués parmi des réfugiés, des planches de WC qui explosent, des chanteurs dépressifs, des soldats grimés devant les caméras, des villes détruites, partout ça sent le pipi et le moisi, et même qu’il y a des murs où il est écrit « On vous niquera la gueule bande de pédés ».
Au moins, comme ça, j’ai donné le ton et je n’ai pas besoin de réfléchir pendant deux heures à une manière de présenter ce livre. Je ne l’avais jamais lu celui-là. Je l’ai commencé hier soir, 296 pages… Pas facile de raconter en quelques lignes. Il faut dire que c’est du Thomas Gunzig aussi, et c’est encore plus difficile de parler d’un de ses livres sans parler de lui. Je viens de faire un bref tour sur le Net pour voir ce qu’en disent les critiques. C’est marrant cette manie qu’ils ont de toujours comparer le livre d’un auteur au reste de ses ouvrages. Forcément que celui-ci est différent, ce livre sinon à quoi bon le lire ?



Allez, 4e de couverture et après, je vous donne dix bonnes raisons pour le lire.


"Maintenant on se demandait vraiment quel effet pouvait bien faire une balle dans le ventre ou un éclat d'obus dans la figure. On se demandait comment c'était une vie sans jambes ou sans bras, une vie à plus rien y voir et enfin à quoi ça pouvait servir qu'on se les gèle, qu'on nous réveille à des heures impossibles, que les camions militaires soient aussi pourris, si ça aidait à gagner la guerre ou si c'était juste à l'image de l'univers, nul du centre à la périphérie.»Les aventures d'un jeune homme, amoureux par nature, cruel par instinct de survie et ironique par nécessité, au pays de la sale guerre."


1978, on ne sait pas exactement où on est mais c’est la guerre. Sur son lit d’hôpital, le héros, paralysé et muet, essaye de remettre en place ses souvenirs, de comprendre comment il s’est retrouvé dans cet état. Le récit est donc découpé en petits chapitres qui nous promènent du présent au passé. C’est chouette, ce procédé, on ne s’ennuie jamais et ça crée un petit suspens. Après les guerres de territoires, celles de religions ou encore celles de civilisations, on est en pleine guerre de l’audimat. Peu importe pour quoi on se bat pourvu que les téléspectateurs suivent et que les sponsors allongent. Le héros, c’est un gars un peu, beaucoup désabusé. Il fait ce qu’il peut pour survivre. Il n’est pas bien méchant mais la vie autour de lui, c’est un véritable foutoir. Parfois il tue, s’il a vraiment faim. Parfois, il s’envoie en l’air avec la femme d’un cinglé et pour expier, on lui ordonne de tuer une chanteuse qui fait de l’ombre à un collègue sur le déclin. Il se retrouve ainsi enrôlé dans une troupe d’élite censée protéger la petite chanteuse pendant sa tournée sur le front et, en attendant de pouvoir remplir sa mission d’assassin, il se retrouve malgré lui dans ce qui ressemble à un énorme show de téléréalité en compagnie d’un ami de fortune, Moktar, amoureux de la vieille madame Scapone et… stop ! j’en ai dit bien assez !



10 raisons donc de lire « Mort d’un parfait bilingue »

1. Il y a une foule de personnages complètement déjantés (Jim-Jim, Mini-Trip...)
2. On passe de situations farfelues à des scènes sanglantes (Aïe!)
3. De l’action, tout le temps (Attachez vos ceintures).
4. Des vérités, toutes crues, sur nos comportements humains, nos travers (beurk!)
5. Les lettres d’amour de la vieille Scapone (un régal !)
6. Le héros est à la fois cynique et sympa (très tendance les héros cyniques et sympas !)
7. L’écriture en elle-même est souvent « politiquement incorrecte » (et parfois très jolie et parfois absolument normale)
8. Les comparaisons à la Gunzig valent le détour (« La mauvaise volonté, c’est comme des cheveux qui s’accumulent dans les siphons des baignoires. »)
9. Un peu d’engagement : la « guerre sale » dénoncée et caricaturée (de quoi rire un peu jaune)
10. Le titre, mais il faudra que vous lisiez pour comprendre (quoique…)



Page 28

Le quartier résidentiel était vraiment un joli quartier […] Ça et là, l’entrée sombre et bétonnée d’un abri antiaérien venait rompre la monotonie des pelouses fraîchement ratissées. La plupart d’entre eux avaient été construits vers la fin 1975, au moment où les bruits les plus alarmants d’attaques chimiques étaient répandus par des journaux télévisés tremblant d’excitation. Les habitants de la colline avaient senti la peur leur caresser l’intérieur des intestins, ils avaient imaginé leur peau soignée couverte de bactéries, leurs cheveux gisant à leurs pieds comme des milliers de ternes cadavres, leurs vieilles couilles aussi vides que des bulles d’eau de Javel et leurs fidèles ovaires plus secs que des raisins californiens. Mais il n’y avait finalement pas eu d’attaques chimiques, il n’y avait eu que ce fameux missile creux, abattu à mi-course par un pilote de chasse que ce bref moment de gloire avait propulsé en présentateur de jeux sur une télévision locale et qui appelait chez les gens pour leur faire gagner du fric et de l’électroménager. Cependant, l’événement avait suffi à garder vivace la psychose de l’attaque et les abris antiaériens étaient aussi bien entretenus que les terrains de tennis.

(Extrait de Thomas GUNZIG, « Mort d’un parfait bilingue »)

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