Mary LAWSON, « Le Choix des Morrison », Belfond, 2003, Collection « J’ai lu ».
Parfois, je me demande pourquoi je lis autant. Parfois, ce sont mes petits qui me posent la question. Je ne réponds pas, je raconte une histoire que j’invente. C’est, je crois, la meilleure des réponses. Je lis pour faire diversion, pour mettre dans ma tête des images qui brouillent les autres, les vraies. Avec les gens… j’ai quelques fois du mal. Il y en a qui sont cruels, calculateurs, médisants… Je préfère, pas toujours mais ça arrive, les personnages, les histoires, celles qui ne me veulent aucun mal. J’y mets des bonshommes farfelus, j’y mets des chapeaux ridicules, des amoureux éconduits (toujours j’en mets, ils me font rire), des rondelles d’oranges qui se transforment en fusée ou des petits hamsters qui dansent la macarena dans la baignoire. Ça les fait rire, mes enfants, alors j’ajoute des petits jurons, des petits cris ; on s’amuse bien. Certains jours, je suis trop imprégnée par le livre que je suis en train de lire alors c’est lui qui me porte dans mon « délire de conteuse ». Je raconte alors une famille, une belle et vraie famille, unie par les liens du sang, courageuse, une famille comme on en rêverait, si on n’était pas nous aussi, une belle et grande famille. Les enfants me regardent alors, curieux, et se massent autour de moi. Chut !
Parfois, je me demande pourquoi je lis autant. Parfois, ce sont mes petits qui me posent la question. Je ne réponds pas, je raconte une histoire que j’invente. C’est, je crois, la meilleure des réponses. Je lis pour faire diversion, pour mettre dans ma tête des images qui brouillent les autres, les vraies. Avec les gens… j’ai quelques fois du mal. Il y en a qui sont cruels, calculateurs, médisants… Je préfère, pas toujours mais ça arrive, les personnages, les histoires, celles qui ne me veulent aucun mal. J’y mets des bonshommes farfelus, j’y mets des chapeaux ridicules, des amoureux éconduits (toujours j’en mets, ils me font rire), des rondelles d’oranges qui se transforment en fusée ou des petits hamsters qui dansent la macarena dans la baignoire. Ça les fait rire, mes enfants, alors j’ajoute des petits jurons, des petits cris ; on s’amuse bien. Certains jours, je suis trop imprégnée par le livre que je suis en train de lire alors c’est lui qui me porte dans mon « délire de conteuse ». Je raconte alors une famille, une belle et vraie famille, unie par les liens du sang, courageuse, une famille comme on en rêverait, si on n’était pas nous aussi, une belle et grande famille. Les enfants me regardent alors, curieux, et se massent autour de moi. Chut !
Il était une fois, dans un pays lointain appelé Canada, là où la forêt toujours reprend ses droits sur le macadam, là où les saisons existent encore et où la nature, sans cesse, est en quête d’espaces à enraciner, une famille composée de parents courageux, exemplaires, et de 4 enfants : Luke, l’aîné, Matt, l’intellectuel, Kate, 8 ans et narratrice de l’histoire et enfin, Bo, la petite dernière. C’est la famille Morrison, ils vivent pauvrement sur des terres que leurs ancêtres ont défrichées, entourés d’une communauté solidaire et chaleureuse. La vie n’est pas facile mais tout le monde y met du sien et, s’il n’y avait pas ce fermier brutal avec ses enfants, tout serait parfait. Un jour, Luke apprend qu’il est admis à l’école normale. Il deviendra instituteur. Les parents, ravis, se précipitent en ville pour lui offrir une valise. Une valise ! Luke va voyager. Son avenir s’annonce brillant. Un instituteur ! Mais les parents jamais ne reviennent. Un camion les a fauchés et l’histoire des Morrison peut commencer. La famille éloignée, les voisins, tous se mobilisent pour venir en aide aux quatre orphelins mais c’est sans compter sur Luke et son entêtement. Jamais il n’abandonnera ses sœurs ! Il renonce ainsi à ses études afin de pourvoir aux besoins de la fratrie. Kate est jeune, elle ne se rend pas compte de son sacrifice. Elle ne voit que son autre frère, Matt pour qui elle voue une admiration sans bornes. Matt lui fait découvrir les étangs, la faune et la flore, Matt est un puits de science, Matt est attentionné, affectueux. Il représente alors à lui tout seul l’espoir basé sur l’instruction. La fratrie se repose sur cette idée : un jour Matt reviendra bardé de diplômes et il en sera fini de cette vie pénible. Il est brillant, il a toutes ses chances. Malheureusement, parce qu’il y a dans chaque histoire, un moment où il faut écrire ce mot, la vie, toujours elle, en décide autrement…
Bien des années plus tard, Kate est biologiste. (Le roman est porté par des flash back.) À l’occasion des dix-huit ans de son neveu, elle est amenée à présenter son fiancé à la famille, alors elle doit raconter, expliquer, justifier les choix, les erreurs, la culpabilité, expliquer toutes ces choses qui auraient pu être différentes et ses souvenirs, à mesure qu’elle tente de les comprendre. Et cela donne un roman truffé d’émotions, de rebondissements, de simplicité, de moments de solitude, de drames, de malentendus avec, en trame de fond, la sueur de ces gens simples et authentiques à la fois.
Un grand roman, richement documenté et auquel je ne m’attendais pas. Le style est simple mais efficace. Qu’est-ce que ça veut dire ? Mais vous savez bien : de cette littérature sans prétention qui brouille les pages pour en faire des images.
Page 28
Kate vient de recevoir l’invitation pour l’anniversaire de son neveu.
Derrière le mot, il y avait une photo de Simon, mais j’ai d’abord cru reconnaître Matt. Matt à dix-huit ans. Ils se ressemblent tant. Bien sûr, ça a ranimé tout un tas de souvenirs de cette année désastreuse et des événements qui, peu à peu en avaient découlé. À leur tour, ces souvenirs m’ont renvoyée à l’histoire de l’arrière-grand-mère Morrison et de son pupitre. La pauvre. Sa photo est maintenant accrochée dans ma chambre. Je l’avais emportée en quittant la maison. Elle ne semblait manquer à personne.
J’ai posé mon sac sur la table de mon salon-salle à manger et je me suis assise pour relire l’invitation. J’irais, bien sûr. Simon est adorable, et je suis sa tante. Luke et Bo seraient là ; ce serait une réunion de famille. Bien sûr que j’irais. J’avais prévu d’assister à un colloque à Montréal ce week-end-là, mais, comme je n’y faisais aucune communication, rien ne m’empêchait d’annuler. Je n’avais pas cours le vendredi après-midi, je pouvais juste partir après le déjeuner. Prendre l’autoroute 400 et rouler vers le nord. C’est un long voyage, à peu près six cents kilomètres, mais les routes sont maintenant asphaltées sur la plus grande partie du trajet. Pendant la dernière heure seulement, lorsqu’on quitte l’autoroute pour aller vers l’ouest, la route devient mauvaise, la forêt reprend ses droits, et on a vraiment le sentiment de remonter le temps.
(Extrait de Mary Lawson, « Le Choix des Morrison », traduit de l’anglais par Cécile Arnaud)
Brouiller les pages pour en faire des images...
RépondreSupprimerTrès jolie formule.