samedi 30 mai 2009

Un temps de chien



Et je me réjouis!!!

jeudi 28 mai 2009

Boomerang


Tatiana de ROSNAY, Boomerang, Editions Héloïse d’Ormesson, 2009.

Tatiana de Rosnay, je l’ai découverte il y a deux ans. On rentrait de vacances avec les enfants. On remontait la France par une nuit d’avril pluvieuse. Personne ne dormait dans la voiture. Pour faire passer le temps, j’ai cherché une fréquence qui ne diffusait pas des chansons déprimantes comme on venait d’en entendre pendant deux heures. Elle était interviewée pour la sortie de son merveilleux roman « Elle s’appelait Sarah ». Je me souviens, elle en parlait avec des larmes dans la voix (mais si, dans la voix !) En rentrant, j’ai couru l’acheter chez mon petit libraire sympa. Ce n’est pas de ce roman que je cause aujourd’hui et pourtant, si vous l’avez lu, vous savez ce que j’ai envie de dire : tout ce qu’elle a écrit depuis ou écrira à l’avenir sera comparé à « Elle s’appelait Sarah ». C’est un sacré problème quand même de garder le cap après avoir sorti pareil bouquin ! Mais bref ! Je m’égare (souvent). On se reprend ? Ok, on se reprend !



« Boomerang » alors ? Quoi ? Il est bon ou pas ? Mais qui je suis pour dire si un bouquin est bon ou pas ? Si j’en parle, c’est que j’ai bien aimé sinon, j’ai mieux à faire. Quand même…
« Boomerang » donc… étrange ce titre, non ? Si ! si ! étrange. C’est quoi un boomerang ? Un objet qui nous revient, souvent en pleine figure. Oups ! Vous voyez que je m’égare : la page 28 ! J’allais l’oublier.


Il avait aussi envie de retrouver sa sœur. Elle et lui, personne d’autre. A Paris, les occasions de se voir étaient trop rares. Elle était toujours prise par des déjeuners ou des dîners avec des auteurs. Lui quittait souvent la capitale pour visiter des chantiers, ou était retenu pour par un projet de dernière minute. Elle venait parfois prendre le brunch le dimanche matin quand les enfants étaient avec lui. Elle cuisinait les œufs brouillés les plus savoureux du monde. Oui, il ressentait le besoin d’être avec elle, seul à seul, en cette période délicate. Certes, ses amis comptaient. Ils lui apportaient joie et vitalité. Mais à présent, ce qui lui importait le plus, c’était Mélanie, sa présence, son soutien et ce lien unique avec son passé.


Facile à comprendre : on plante le décor. Un architecte, une directrice d’édition, frère et sœur, partis en week-end, une période difficile et un passé toujours présent qui va resurgir et bouleverser la vie du héros, Antoine. Un secret forcément, de famille ; ce sont les plus lourds, les plus sournois.
Comme à son habitude, Tatiana de Rosnay aligne les cartes qui lui réussissent : les liens du sang, la mort quand elle menace et frappe. Cette fois, elle se glisse (à la première personne, ce que la page 28 ne laisse pas deviner) dans la peau d’un homme, quadragénaire fraîchement divorcé, aux prises avec un travail inintéressant, des enfants en pleine crise d’adolescence, un père distant, le souvenir de sa mère disparue trop tôt, une assistante incompétente et… vous lirez (j’espère !) et donc… une femme bien sûr ! Belle, entreprenante et embaumeuse de son état. Tout au long du roman, on est plongé – et c’est ça qui est intéressant – dans la tête d’un homme vu par une femme (Tatiana de Rosnay est une femme), un homme qui doit affronter le doute, la culpabilité, le désir, la mort, le chagrin, le stress, le célibat, la garde de ses enfants, l’accident de sa sœur et un secret bien sûr qu’il est le seul à vouloir percer. Et pour comprendre ce secret, l’auteur nous promène dans tout Paris. Bien oui, il est bien ce roman parce que Tatiana de Rosnay est douée pour nous aspirer dans le quotidien de ses personnages et, il faut bien l’avouer, ce livre, elle l’a écrit en anglais, comme « Elle s’appelait Sarah » et on la préfère quand elle choisit cette langue. Mais assez de parlotte et en route pour Paris et un terrible secret !

Solitudes

Emmanuel PARMENTIER, "Solitudes", Les Nouveaux Auteurs 2007.

Parce que ce sont des nouvelles. Parce que la solitude, au pluriel en plus...


« Solitudes », c’est le titre qui m’a plu au départ. Il fallait oser, je trouve, appeler un recueil ainsi. « Solitudes », ça veut tout dire et n’importe quoi. À la base, tous les personnages de roman sont des êtres solitaires aux prises avec un destin digne d’être raconté. La solitude, c’est le moteur de tous les récits, non ? Mais bien sûr que oui. N’est pas un héros de roman qui veut. Allez, repensez à toutes vos lectures et vous comprendrez ce que je veux dire.


Emmanuel Parmentier, c’est un jeune auteur passionné de littérature et de cinéma, c’est ce qu’il est écrit sur la quatrième de couverture. Personnellement, si j’avais dû me charger de sa couverture, j’aurais plutôt dit que c’est un observateur hors pair qui parvient, en quelques pages, à rendre la réalité telle quelle, comme s’il avait posé un microphone et qu’il retranscrivait des tranches de vie de monsieur et madame Tout-le-monde. N’est pas héros de fiction qui veut ? Eh bien, dans les nouvelles d’Emmanuel Parmentier, c’est le cas. Une employée qui a des rêves est une héroïne, une actrice de films X peut l’être aussi, un jeune adolescent qui assume ses fautes, une institutrice, un vieillard...


Je me répète, je sais : c’est assez difficile de présenter un recueil de nouvelles. Trop de personnages, d’intrigues, de décors… Pour partager, donner renvie de lire, il faut choisir quelques mots qui feront mouche.


La solitude, tout le monde sait ce que c’est mais qui a vraiment conscience des formes qu’elle peut prendre ? Seuls, nous le sommes tous un peu et les personnages d’Emmanuel Parmentier, c’est, je crois, un peu de nous tous éparpillés sur 184 pages. On est seul quand on rêve. On est seul quand on est incompris. Quand on a des remords, des actes inavoués au fond du cœur, des murs devant les yeux, un être cher sous terre, un autre à portée de main et pourtant si lointain… On est seul quand on est différent, vieux, odieux, abandonné… La solitude, dans ce recueil, est partout, elle est plurielle et se décline avec réalisme. Emmanuel Parmentier, c’est l'écrivain du quotidien dans ce qu'il a de plus banal, capable de le décrire au point de le sanctifier. C’est un recueil de nouvelles qui n’en sont pas tant elles sont ancrées dans le réel, confinant presqu’à la fable, la vraie, celle qui nous donne une moralité sans appel. Un recueil qui ouvre les yeux, on va dire ça comme ça.

Et on va lire un extrait choisi.


Page 28.


- Pourquoi il était malade au cœur ? Il était triste ?
- Non, il était pas triste, papy José. Il m’aimait beaucoup et moi aussi je l’aimais beaucoup…
- Et il s’est envolé tout d’un coup ? Comme un papillon ?
- C’est ça, Romaric. Comme un papillon…

Sa réponse n’était pas très convaincante. Mais apparemment, ça lui convenait. Tant mieux. Elle lui tendit le plat de saumon :
- Tu l’apportes au salon ?
- D’accord.
Elle lui balaya une nouvelle fois les cheveux et alla sortir les bouteilles de blanc du frigo. En partant, elle jeta un dernier regard au pot en grès. Elle soupira :
- Sacré José, va…

Les titres des nouvelles :


Un rêve érotique.
La tarte aux quetsches.
Le regard des autres.
C’était un samedi.
À l’extérieur du mur.
Loin, loin du rivage.
À la dérobée.
Face à face.
L’amour n’a pas d’âge.


À noter : les deux dernières nouvelles sont mes préférées.




http://emmanuelparmentier.blogspot.com/2009/03/solitudes-nouvelles.html

La Mécanique du coeur




Mathias MALZIEU, La Mécanique du cœur, Flammarion 2007, édition Poche J’ai Lu.



Un mot de l’auteur ? Chanteur du groupe Dionysos et écrivain. Cool non ?



Un mot du livre ? Ok, un mot du livre à lire dans son lit, comme quand on était petit, avec un paquet de Cuberdons à portée de main et un mot sur la porte « Ne pas déranger, je lis la Mécanique du cœur ». Evidemment, j’ai été dérangée mais c’était à cause des Cuberdons. Bref !



Jack nait à Edimbourg en 1874. C’est la nuit la plus froide du monde, tellement froide que les fontaines se changent en bouquets, que les oiseaux gèlent en plein vol. En haut de la colline la plus élevée de la ville, une maison coiffée d’un toit incroyablement pentu. Dans cette maison, Docteur Madeleine, une vieille folle soupçonnée de coucher avec des oiseaux et dont l’occupation principale est d’aider les prostituées à mettre au monde leurs enfants. Forcément, la grande majorité de ses patientes repart les mains vides et la maison de Madeleine sert donc aussi d’orphelinat.



Ce jour-là, parce qu’il faut bien que l’histoire commence (on n’est qu’à la page 13), une toute jeune fille accouche d’un petit garçon mais les choses tournent mal. Il fait si froid dehors que le cœur de l’enfant est gelé. Insensible, la mère détourne les yeux : elle ne veut rien savoir ! Madeleine, elle, elle s’émeut, secoue le nouveau-né dans tous les sens. Bon sang ! Il faut qu’elle le fasse vivre ! Mais comment ? Elle fouille dans son bric-à-brac, s’énerve, jure, tempête, bien décidée à sauver ce petit. Des gens, elle en a sauvé tellement… Il suffit de trouver le bon instrument. Elle met alors la main sur une horloge en bois. Une horloge ? Mais oui une horloge ! Si vous connaissiez un peu Madeleine vous sauriez qu’un rien fait l’affaire pour remettre sur pied un malade. Elle a déjà redressé une colonne vertébrale avec un parapluie alors une toute petite horloge à greffer, c’est pas le Pérou ! En effet, une fois l’instrument fixé dans la petite cage thoracique, le coucou se met aussitôt en marche.




Le temps passe, très vite (une dizaine de pages, autant d’années). Malheureusement, personne ne veut adopter un enfant affublé d’une horrible paire d’aiguilles. En plus, les horloges, c’est bruyant alors, non merci ! Et Jack grandit ainsi avec celle qui devient sa mère de cœur. Tout se passe pour le mieux. L’enfant a parfois des difficultés à trouver le sommeil à cause du vacarme et du coucou mais il n’a pas à se plaindre.

À l’aube de ses dix ans, il finit quand même par se plaindre : il s'ennuie; l’école, il veut y aller. Madeleine panique. À l’école ? Mais si jamais il y tombait amoureux ? Parce que, c’est bien ce qui préoccupe la brave Madeleine : la mécanique du cœur, elle ne pourrait jamais supporter un tel choc ! L'amour affolerait les engrenages... mais... chut... on est déjà loin dans l’histoire, page 28 :

Mon cœur accélère encore, j’ai du mal à reprendre mon souffle. J’ai l’impression que l’horloge enfle et qu’elle remonte dans ma gorge. Est-ce qu’elle vient de sortir d’un œuf ? Est-ce que cette fille se mange ? Est-ce qu’elle est en chocolat ? Qu’est-ce que c’est que ce bordel ?
J’essaie de regarder dans ses yeux mais son incroyable bouche a kidnappé les miens. Je ne pensais pas qu’on puisse passer autant de temps à observer une bouche.
Tout à coup, le coucou dans mon cœur se met à sonner, très fort, bien plus fort que lorsque je fais mes crises. Je sens mes engrenages tourner à toute vitesse, comme si j’avais avalé un hélicoptère. Le carillon me brise les tympans, je me bouche les oreilles et, bien sûr, c’est encore pire. Les aiguilles vont me trancher la gorge. Docteur Madeleine essaie de me calmer avec des gestes lents, à la façon d’un oiseleur qui tente d’attraper un canari paniqué dans sa cage. J’ai atrocement chaud.
J’aurais voulu faire aigle royal, ou goéland majestueusement cool, mais au lieu de ça j’ai fait canari stressé empêtré dans ses soubresauts. J’espère que la petite chanteuse ne m’a pas vu… (extrait de Mathias Malzieu, La Mécanique du coeur)

Après ? Jack, il n'en fait qu'à sa tête et ça donne environ 120 pages truffées d'anachronismes assez comiques et d'émotions, 120 pages qui nous emmènent en Espagne, dans un lieu étrange appelé « l’Extraordinarium », là où la jolie Miss Acacia chante tous les soirs. Il y a aussi un train fantôme, un rival, un horloger et le cœur du petit Jack devenu grand, le cœur quand il s’emballe…

dimanche 24 mai 2009

Quitter le monde



Douglas KENNEDY, Quitter le monde, éditions Belfond, 2009.

Un article sur Douglas Kennedy ? Ok mais court alors parce que le temps qu’on perd à lire que c’est le plus français des auteurs américains, qu’il s’obstine à écrire 1000 mots chaque jour, que les Américains justement le boudent (les Européens savent pourquoi…), qu’il est un conteur génialissime… eh bien, c’est autant de temps perdu à ne pas le lire. Et ce serait dommage quand même de passer à côté d’un tel morceau.

Quand on ouvre un livre de Douglas Kennedy, on sait qu’on s’embarque dans un nombre affolant de pages, de rebondissements, qu’on verra défiler du temps aussi, des années parfois selon les intrigues. Lire un livre de Douglas Kennedy, c’est accepter de prendre part à une odyssée. Mais si ! Odyssée humaine et géographique. Ça existe les « odyssées humaines » ? Je ne sais pas mais je ne vois pas d’autre mot pour parler de cette histoire sans vraiment en parler parce qu’un bon Douglas Kennedy, il ne se raconte pas, il se lit. J’aimerais que vous le lisiez… donc.

Odyssée donc parce qu’on voyage des Etats-Unis au Canada en passant par Berlin et ses quartiers intellectuels en s’imprégnant toujours de la culture. Kennedy ne se contente pas de signaler que les gens sont différents selon l’endroit, il montre du doigt et va jusqu’à dénoncer certains faits (dénoncer les travers du système américain, c’est un peu son dada hein ! il faut bien le dire…) Odyssée encore parce qu’on passe de bonheur, fragile, toujours si fragile, aux tragédies, toujours très… tragiques mais c’est ça, un Douglas Kennedy, c’est des drames en veux-tu en voilà mais relatés avec brio et qui ne manquent jamais de nous aider à relativiser.

Mais vous l’aurez compris : je suis une fan, une groupie, une vraie. J’ai tous ses livres et il ne me manque plus que le t-shirt « I love Douglas Kennedy ! » alors être objective avec mon Doudou, c’est mission impossible. « Pourquoi, maman, tu cries youplaboum quand Douglas, il passe à la tv ? », me demande ma fille de 8 ans. Bonne question : pourquoi est-ce que j’aime autant ses livres ?
Est-ce qu’il faut toujours une raison pour aimer ? Bien sûr que non et pourtant, des raisons, j’en ai mille !
Parce qu’il écrit bien ? Oui, forcément et sans user d’un style ampoulé.
Parce qu’il fait mouche ? Oui, quand il dépeint la psychologie de ses personnages encore mieux que les décors dans lesquels ils évoluent.
Parce qu’il est cultivé ? Ah ça oui !
Parce que ses intrigues, il les a tellement travaillées qu’on se dit « waw ! » ? Exact !
Parce qu’il est traduit par Bernard Cohen ? Ce qui ne gâche rien !
Parce qu’il est sûrement le seul homme sur la terre à parler aussi bien de la maternité ? Oui, il m’a fait pleurer…
Parce que quand on est au cœur de ses « tragédies », on frémit ? Oui mais ce passage, je ne peux pas en parler.
Parce qu’après avoir lu un de ses livres, on a toujours envie d’arrêter de fumer ? J’avoue : oui… (il y a toujours un personnage secondaire qui fume comme un pompier et qui se chope le cancer)
Parce qu’il nous balance des vérités à la figure ? Des gifles parfois (mais je n’en dirai pas plus !).
Oui mais ce bouquin-ci en particulier, pourquoi ? Question piège : je ne veux rien dévoiler…


Alors, en deux mots : l’histoire se passe dans les milieux universitaires aux USA, puis dans une bibliothèque au Canada. L’héroïne, Jane, nous donne durant tout le livre ou presque envie de lire les plus grands auteurs anglo-saxons, avec, on dirait, une préférence pour Emily Dickinson et Samuel Beckett dont elle répète souvent cette phrase de « L’Innommable » : Il faut continuer, je ne peux pas continuer, je vais continuer. Continuer donc, c’est le mot d’ordre de ce roman où, pourtant, tout donnerait envie de s’arrêter. Pour avoir une idée de l’intrigue, jetez un œil au résumé apéritif mais attention, plus vous avancerez dans le livre, plus vous aurez tendance à croire que tout y est dévoilé d’avance et pourtant… c’est du Douglas Kennedy quand même ! Laissez vous surprendre !

Une petite mise en bouche, la page 28 ? Je ne l’avais pas lue au préalable (à quoi bon !) Ce n’est pas la meilleure mais c’est qu’il n’y a pas de « meilleure page » chez Kennedy, c’est le livre en lui-même qui est excellent. Mais si ! mais si !

Ce jour-là, je n’ai pas seulement pleuré à cause du dédain que manifestait mon père mais aussi parce que Tom et moi étions sur le point de nous séparer après deux années passées ensemble. Ce qu’il y avait d’affreux, c’est que cette séparation n’était voulue ni par l’un ni par l’autre : simplement, j’entrais à Harvard et Tom allait partir au Trinity College à Dublin. Et même si aucun de nous ne voulait l’admettre nous savions que notre histoire se terminerait dès que nous serions chacun d’un côté de l’Atlantique. Cette certitude était d’autant plus douloureuse que Tom avait été accepté aussi à Harvard pour sa maîtrise d’histoire mais qu’il avait préféré saisir la proposition d’aller étudier un an à Dublin ; l’année passerait vite, m’avait-il assuré, puis il me rejoindrait pour son doctorat…
(extrait de Douglas Kennedy, "Quitter le monde")

Tempêtes et cadavres






Même si la couverture me fiche la trouille... Il paraît que les apparences sont souvent trompeuses. Bon, ceci étant dit, je fais confiance à g@rp qui en a écrit un septième, je crois, de ce livre.

On en reparle dès que je l'ai commandé et lu!

(ceci est un communiqué publicitaire ciblant les millions de visiteurs qui reçoit chaque jour mon blog depuis sa création)






http://escargotgarpien.blogspot.com/2009/05/prochainement.html

Madeleine


Amanda STHERS, « Madeleine »


Publié chez Stock en 2007, Prix des lecteurs Sélection 2009, édition Poche.



D’abord, l’héroïne s’appelle Madeleine. Moi aussi. Ensuite, c’est un roman, court, d’Amanda Sthers, ce qui ne gâche pas la perspective de lire une histoire sympa et facile sans être « trop facile ».



Enfin, test de la page 28 réussi : Castellot ne la regarde pas. Il fixe l’horizon puis tourne un peu la tête vers le phare. Son portable sonne encore. Il répond. Il dit à la voix de femme qui perce à travers le téléphone et ensuite le cœur de Madeleine : « Non. Je suis en rendez-vous. À ce soir. Non. Ils nous attendent à vingt heures trente. Chérie ? … Je t’aime. »
Madeleine reste immobile. Du sperme coule entre ses cuisses, elle a peur de bouger et qu’il en sorte tellement qu’elle meure dessous. Elle se sent en danger. Elle recule. Il ne sort toujours pas de la pièce. Discrètement, elle glisse un mouchoir dans sa culotte pour stopper l’hémorragie.
« J’ai envie de me jeter dedans », dit Castellot en regardant la mer. Elle aurait préféré qu’il parle de ses bras, de leur histoire…


Madeleine, elle est agent immobilier en Bretagne. Moi pas. Mais ça me plairait bien de faire visiter des maisons, comme elle et de… Ou peut-être pas tant que ça mais quand même, Madeleine, on la comprend : elle passe tellement de temps devant ses feuilletons qu’elle n’a que des acteurs comme amants, dans sa tête en tout cas, jamais dans ses bras ou si rarement, même pas le temps parfois de partager son steak petits pois dans le canapé, devant sa TV, toujours devant sa TV. Pauvre Madeleine…



À l’agence, un jour, elle reçoit un coup de fil en plein cœur. À l’agence, comme en ville, elle s’y ennuie tellement… Il y a bien le fils du patron qui la courtise mais, objectivement, c’est le genre de gars qui fait s’enfuir la gent féminine à grands cris affolés. En plus, c’est la réplique ou presque du père : amateur de camping sauvage et de nappes cirées qui s’essuient d’un coup d’éponge et avec ça, il y a fort à parier : il est laid tout nu ! alors non merci, se dit Madeleine qui… mais que peut bien faire une héroïne de roman qui tombe amoureuse d’une voix dans le téléphone et puis d’un homme dans une voiture ? Ha ! ha ! ha ! des tas de choses, qui s’étaleraient sur des milliers de pages et pourtant, le roman est très court. 124 pages, format poche. Court oui mais assez long pour… pour quoi à votre avis ? Allez, devinez : si les écrivains ne parvenaient même plus à nous faire croire au grand amour, même en 124 pages, à quoi bon écrire ? Amour impossible ? Peut-être. Sûrement. Ils le sont souvent mais, même impossibles, les amours qui se murmurent à l’aide de petites phrases qui s’entrechoquent sur papier et puis dans nos têtes, on en reprendrait bien des camions. Et tant pis s’il ne se dit pas dans ce livre, l’amour avec un grand A, s’il est seulement vécu, senti. Pas grave, non, parce qu’on le sent bien.



A. Sthers nous emmène ainsi en Bretagne flirter avec les fantasmes d’une certaine Madeleine, le tout sur 124 pages. Fantasmes, amour, steaks petits pois et après ? Après, on verra bien parce que l’amour justement…



Si j’ai bien aimé ? Oui oui.


Si je le passerai à ma meilleure amie ? Oui.


Si elle peut dire que c’est moi qui lui ai prêté ? Mais oui.


Si il y a un petit plus qui le différencie des livres de ce genre ? Non, franchement non, sauf peut-être cette impression de « reportage » : le narrateur a l’air de filmer, surtout les hommes qui sont « vus avec du recul ».


Si un homme aurait pu l’écrire ? Ah ! ça, j’adorerais qu’un homme perce le cœur des femmes comme A Sthers !