mardi 13 octobre 2009

Un extrait


Je viens de lire un livre super. Je suis contente. C’est un de ces romans tout simples qui vous aspirent, vous font du bien, mettent de la musique dans votre tête et des sourires dans votre cœur mais je vous en parlerai demain ou après parce que je n’ai pas le temps. Le temps… on passe sa vie à courir après sans jamais pouvoir l’atteindre, un peu comme les étoiles que l’on voudrait toucher du bout des doigts… mais en voilà assez avec les mots fleurs bleues aujourd’hui. Je voulais vous parler d’autre chose.


« L’une et l’autre », eh oui ! encore un tout petit peu, sans chercher à vous gaver. C’est seulement que plusieurs personnes m’ont demandé où j’avais trouvé le temps justement de l’écrire, ce recueil, et, à chaque fois (sans vouloir supposer que j’ai réalisé une prouesse), j’ai répondu « Je n’en sais rien, je sais pas ce qui m’a pris, je suis débordée, tout le temps en train de courir à gauche et à droite ». Je dis ça sans prétention ; il ne faut pas croire que je place mon petit recueil au-dessus de tous les livres que j’ai lus, loin de là mais je l’aime bien et j’ai envie que d’autres personnes le lisent, au moins deux ou trois, ce serait déjà bien. Le temps donc, je n’en avais pas. Pensez-vous : avec mes six galopins et mon boulot mais j’avais quelques histoires à raconter. G@rp m’a filé un coup de main sans que je lui demande. Ça s’est fait tout seul. (Ça n’a pas été facile, j’avoue, parce qu’il est du genre à râler pour un rien et moi aussi.)


Avant d’écrire, j’enregistre toujours une sorte de brouillon et, quand le texte est terminé, je l’enregistre à nouveau pour le corriger. Les mots sans la voix, ils ne sont pas grand-chose. Donc, pour peut-être vous donner envie de le lire, je vous mets un enregistrement qui traîne sur mon disque dur. C’est le début de « Le miroir d’eau ». Une histoire d’amour, un amour qui s’était caché dans les années, celles qui passent sans que l’on s’en rende compte. Le temps, encore lui, si on ne peut jamais l’atteindre vraiment, il est souvent magicien…


Au fait, l'enregistrement (en bas) est fait avec les moyens de la maison (et un accent maison aussi), dans ma cuisine, devant des pommes de terre.


L'extrait texte si vous préférez:


Quand j’étais en terminale, il y avait cette fille étrange qui arrivait le matin les mains dans les poches et repartait le soir sans jamais dire un mot, un bonjour. Rien. Elle ne disait rien. Jamais. A personne. Elle était comme invisible, si transparente que j’en viens à me demander comment et pourquoi je me mets à y repenser, maintenant, là, étendu sur mon lit. Ma mémoire l’avait chassée ; c’est étrange, cette manie qu’a notre cerveau de gommer certaines existences insipides et, à vrai dire, elle y avait tenu si peu de place, dans ma tête, que j’en viens à douter de l’avoir connue un jour. Quoi qu’il en soit, son visage déplaisant, presque hideux, vient de resurgir du passé et cela me met mal à l’aise…

Dans une heure, j’ai rendez-vous au bord de l’eau avec Florine. Je m’en réjouis depuis plusieurs jours. Florine est belle, gracieuse, drôle (ça lui arrive). C’est le genre de fille qu’un homme peut attendre très longtemps. Oui, vraiment, elle est tout ça et le temps n’en finit pas de me faire attendre moi aussi.

Dehors, en bas de l’immeuble, des voix qui passent. J’ai faim. Je me lève pour aller préparer un petit en-cas. Puis, assis sur la terrasse, j’avale machinalement des bouchées de sandwich au poulet en me laissant enivrer par les couleurs du fleuve qui miroitent du côté ouest de la ville. On appelle ça le miroir d’eau, quand la luminosité est telle que le fleuve se fait psyché. Bientôt, le soleil viendra s’y baigner. La vue est si belle que j’en oublie l’incessant tapage urbain. J’ai rendez-vous avec Florine et tout va bien ; je peux même m’assoupir, rêvasser un peu…

******

Aujourd’hui, Elisabeth fête ses vingt-six ans. En se levant ce matin, elle l’avait complètement oublié. Du coup, son humeur en a été légèrement affectée tout au long de la journée. « Ce sont des choses qui arrivent, se dit-elle pour se consoler, je ne suis pas impardonnable : je me lève 364 fois par an sans y penser… La prochaine fois, je veillerai à m’en souvenir. »

Sa journée de travail s’est donc écoulée dans une mélancolie relative. Des images de cadeaux ont titillé ses pensées pendant qu’elle remplissait les rayonnages chez Carrefour. A l’aide de petites secousses de la tête, elle essayait de les chasser. Aucun cadeau ne l’attendra ce soir ; elle le sait. Toute à ses réflexions, elle longe l’étroit trottoir qui s’étire le long de la Meuse. Chaque fois qu’elle fait un pas, une voiture la frôle. Parfois, c’est un camion qui fait trembler la chaussée. Au-dessus de sa tête, le ciel s’apprête à ravir le soleil pour l’engouffrer dans la nuit et déjà, les couleurs des eaux ronflantes déclinent. Les uns après les autres, les automobilistes allument leurs phares. Il commence à faire froid. On est en février, ce mois si court et si long. A une centaine de mètres devant elle, quelques oies sauvages ont fait halte. Sans prendre garde à la circulation, elles caquettent, sautillent, s’oublient sur la route. Coups de klaxon. Elisabeth tressaille : l’une d’entre elle a bien failli. Pour ne pas assister à un éventuel carnage, elle s’arrête et prend appui sur la balustrade de béton. Un moment se passe. Son regard s’abandonne derrière ses prunelles. Dans son dos, le vent s’est mis à souffler. Au-delà du fleuve, des immeubles déchirent le ciel. Pas de quai de ce côté. Un parc. Quelques arbres. Pas d’oiseau dans le ciel blafard.

« La nuit ne va pas tarder à descendre. La nuit qui descend… quelle étrange expression, dit-elle à voix haute. La nuit descend et moi, je monte dans les ans… Voyons voir, avant que la nuit ne s’écrase sur la ville, qu’est-ce que je souhaite pour mon anniversaire ? Que peut-on bien désirer pour ses vingt-six ans ? De l’amour ? Je suis si laide… De l’amitié ? Je suis si inintéressante… De l’argent ? Je m’en fiche… Du respect ? Pour quoi faire… Du rire alors ? Du bonheur ? C’est ça : du bonheur ?

« Du bonheur peut-être mais n’est-ce pas l’aboutissement de tout le reste ? » s’enquiert une silhouette surgie de nulle part. Sans lui accorder la moindre attention, Elisabeth soupire en resserrant son manteau de laine. Derrière elle, le Nord s’acharne et souffle. Sur le fleuve, une péniche chargée de sable jaune trace un sillon qui disparait aussitôt sur le miroir d’eau.

— Quoi alors ? continue-t-elle avec un soupçon de lassitude dans la gorge.
— Tu le sais bien, Elisabeth, ce que tu veux. Malheureusement, on n’est jamais en position de vouloir ; on ne peut qu’attendre. Depuis combien de temps attends-tu ?
— J’ai oublié, murmure-t-elle.
— Si tu as oublié, c’est que tu n’espères plus : l’espoir est nécessaire à l’attente, sinon rien n’a de sens.
— C’est vrai ça, oui, c’est bien vrai, concède-t-elle en se penchant vers le vide. Où étais-tu passé ? Je t’ai cherché pendant si longtemps.
— J’étais là mais je l’ignorais. J’ai pensé à toi aujourd’hui, avoue la silhouette avant de s’évanouir...





3 commentaires:

  1. Dominique JUILLARD16 octobre 2009 à 10:26

    Sympa de mettre une voix sur un nom devenu depuis quelques mois, familier pour moi grâce à FB et à ce blog !

    L'histoire ne dit pas si au bout de cet enregistrement les PDT étaient cuites à point mais j'ai apprécié d'écouter, comme nos aïeux le faisaient le soir à la veillée, un extrait d'une de tes nouvelles !

    ...quel débit en si peu de temps ! Il reflète certaiment celui du temps qui passe pour toi si rapidement au cours d'une journée et cette capacité que tu as néanmoins pour trouver celui de te consacrer à l'écriture après une folle journée d'occupations diverses...et variées !!
    Chapeau !!
    merci à Toi !

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  2. Merci à toi plutôt! oui, je parle vite ;) je fais fais tout vite en fait (ne le dis à personne mais Buzz l'Eclair en réalité, c'est moi :)

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  3. Un mot en vitesse pour la personne (anonyme, ben tiens!) qui me demande si. Eh bien non! Voilà :) Tout va bien. Du tirage? Oui, déjà pas mal d'exemplaires vendus ici en Belgique. Je suis conente parce que je suis personne. Re-sourire. Et non, pas de vente à la criée sur les marchés. Sinon, pour les questions sympas, je modère pas. Re-re-sourire?

    Maddy (anonyme)

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