Marion RUGGIERI, « Pas ce soir, je dîne avec mon père », Grasset 2008, Le livre de poche 2009.
Je suis mariée à un mannequin. Oui, je sais : j’ai beaucoup de chance ! Pour tout vous avouer, j’ai jugé important de vous le dire parce que je viens de l’apprendre. Imaginez que ça fait 17 ans que ça dure avec mon mari et que la beauté, que dis-je ? la splendeur de son corps m’avait échappé jusque-là. Il a fallu que le sympathique mari de ma cousine s’extasie sur l’harmonie de sa silhouette pour que je la remarque enfin. Ce sont des choses qui arrivent : vous vivez pendant des années avec les gens sans les regarder vraiment et, si personne ne lui avait jamais balancé, à mon superbe mari « Mais ma parole, tu joues au mannequin ! », eh bien probablement n’aurais-je jamais réalisé la chance que j’ai de vivre avec un homme qui s’entretient. Depuis d’ailleurs, je ne l’appelle plus autrement : il est « mon mannequin » (Quand je cherche après lui, je demande « Vous n’auriez pas vu mon mannequin ? », si quelqu’un téléphone pour lui parler et que c’est moi qui décroche, je dis « Vous permettez ? Je vous passe mon mannequin. » Et même chez Carrefour, à la caisse, quand il range méticuleusement (il est aussi très maniaque) les courses sur le tapis roulant en refusant que je le seconde et en synchronisant ses gestes à la perfection (il est champion du monde dans la réalisation de pyramides de conserves), je prends depuis un malin plaisir à préciser à la caissière ébahie en le montrant du doigt « Il est mannequin ! »)
Bref, cela a bouleversé ma vie et c’est d’ailleurs ce qui m’a donné envie de lire ce livre dont j’avais entendu parler et que je m’étais juré de ne jamais chroniquer. Pourquoi ? La page 28 forcément ! Moi, la page 28, j’aime quand elle me fait tomber bas de ma chaise ou que j’en avale mon Mentos.
Lisez plutôt (on est dans un restaurant, d’ailleurs on y est très souvent)!
Il y a aussi « Out of Africa », toujours une jambe suspendue au marchepied du bar. Lui s’habille comme Clark Gable, porte des chapeaux mous assortis à ses tenues de savane, et liquide des Bullshot entre deux baisemains. Parfois sa compagne le rejoint, une magnifique rousse à l’ancienne, taillée comme Rita Hayworth, qui lui met trois têtes et doit mal le traiter. Il y a encore cette famille sympathique qui surgit, comme nous, tous les vendredis à heure fixe : le père, la mère, les filles, les fiancés, plus un ou deux bébés. Je les envie parce qu’ils commandent un grand plat pour toute la tablée et le font passer de main en main comme si ce plat leur appartenait et qu’ils vivaient là, dans la salle d’à côté. Il y a parfois une vieille gloire du cinéma français qui a donné son nom à des tagliatelles maison, lesquelles coûtent aussi cher que si c’était lui qui ramassait le basilic entre deux prises. Ou encore un mannequin aux yeux de chat, que tout le monde convoite en vain, parce qu’elle domine l’assemblée de ses longues jambes – déjà réservées par un vieux bronzé qui arrive de loin.
Lisez plutôt (on est dans un restaurant, d’ailleurs on y est très souvent)!
Il y a aussi « Out of Africa », toujours une jambe suspendue au marchepied du bar. Lui s’habille comme Clark Gable, porte des chapeaux mous assortis à ses tenues de savane, et liquide des Bullshot entre deux baisemains. Parfois sa compagne le rejoint, une magnifique rousse à l’ancienne, taillée comme Rita Hayworth, qui lui met trois têtes et doit mal le traiter. Il y a encore cette famille sympathique qui surgit, comme nous, tous les vendredis à heure fixe : le père, la mère, les filles, les fiancés, plus un ou deux bébés. Je les envie parce qu’ils commandent un grand plat pour toute la tablée et le font passer de main en main comme si ce plat leur appartenait et qu’ils vivaient là, dans la salle d’à côté. Il y a parfois une vieille gloire du cinéma français qui a donné son nom à des tagliatelles maison, lesquelles coûtent aussi cher que si c’était lui qui ramassait le basilic entre deux prises. Ou encore un mannequin aux yeux de chat, que tout le monde convoite en vain, parce qu’elle domine l’assemblée de ses longues jambes – déjà réservées par un vieux bronzé qui arrive de loin.
(Extrait de Marion Ruggieri, « Pas ce soir, je dîne avec mon père »)
Voilà pour l’extrait qui forcément ne reflète pas tout le livre mais le ton est donné : c’est sympa, jovial, rythmé et, même si les péripéties ne se comptent pas par dizaines, on n’a pas vraiment le temps de s’ennuyer. L’héroïne, surnommée Big a une trentaine d’années et vit avec un vieux de 55 ans, un vieux moche alors que son père, 55 ans aussi, est un vieux beau qui collectionne les conquêtes. Rien n’est trop beau pour cet homme qui refuse de vieillir et qui considère sa fille comme sa meilleure amie. Une grande réflexion sur l’immaturité de notre temps et la confusion des âges (dixit le Nouvel Observateur) et si vous voulez davantage de précisions, si vous cherchez des analyses ou des thématiques exploitables, allez voir sur la toile : ça doit pulluler. Moi, j’en ai retenu cette foule de personnages assez comiques, comme la grand-mère qui porte des chemisiers en soie à lavallière achetés 30 ans auparavant, une des fiancées du père qui s’appelle Fallen et qui, titubant sur des talons de 30 cm, ressemble à un bébé girafe, l’amoureux de Big qui a l’âge du père donc mais qui est le seul homme du coin à ne pas avoir une tête de rocker anglais, ou encore la mère de Big qui rêve de ressusciter Léon Zitrone pour offrir à sa fille un mariage princier, toutes les copines aussi, celles qui ne mangent que des aliments violets, celles qui suivent un régime protéines, celles qui se font vomir, les végéaro-casher jambonophiles, les allergiques au lait et les obsédés du groupe sanguin et puis, quand même, l’héroïne, Big, Marion Ruggieri de son vrai nom, et son « rapport malsain à la séduction, à tout ce qui peut transformer l’être humain en paon ».
Un roman bien gentil donc mais avec une impression de « vite fait bien fait ». Tant de personnages auraient pu être développés, les péripéties aussi mais bon, il s’agit d’un point de vue et, on peut lui concéder ça, à l’auteur : c'est difficile de voir vieillir les gens qu'on aime et on a tous peur de voir nos parents vieillir mais en même temps, ils sont vieux depuis qu’on est nés. D'où l'éternel conflit des générations.
Un roman bien gentil donc mais avec une impression de « vite fait bien fait ». Tant de personnages auraient pu être développés, les péripéties aussi mais bon, il s’agit d’un point de vue et, on peut lui concéder ça, à l’auteur : c'est difficile de voir vieillir les gens qu'on aime et on a tous peur de voir nos parents vieillir mais en même temps, ils sont vieux depuis qu’on est nés. D'où l'éternel conflit des générations.
Le rapport avec mon mari? Mais il est comme le père de Big: plus il vieillit et plus il rajeunit!