vendredi 5 juin 2009

Les Pantoufles du samouraï







Patrick CAUVIN, "Les Pantoufles du samouraï", Plon, 2008.






Ah ! Cauvin ! Un bon Cauvin, que je relis. On raconte qu’il voulait être footballeur. Footballeur quand même… Vous imaginez (« vous » étant, vu le nombre affolant de commentaires, l’humanité en général), on n’aurait jamais eu à lire « E=MC2 mon amour »… Quelle tragédie pour moi et pour tous ceux qui s’asseyent aujourd’hui au sommet des escaliers de la Défense ! Eh bien oui, je l’aime bien, Cauvin. Mes enfants aussi maintenant, ma voisine pareil, quelques amies, les mères de mes amies, mon pharmacien, mon médecin (ma belle-mère, c’est en cours) Une star ici, je vous dis…

C’est rare que je relise un bouquin, surtout à quelques mois d’intervalle. Surtout que j’ai pas que ça à faire. Surtout que j’ai dû en acheter 12 en 3 semaines (plus ceux que mon mari a été invité à m’offrir) Mais là, je n’ai pas résisté à replonger dans les coups de gueule de ce Papy ronchon, quatre-vingt –quatre ans au compteur, misanthrope et obsédé (par quoi ? devinez !) et qui décide de raconter l’aventure extraordinaire qui lui est arrivée, le tout entrecoupé de petites tranches de vie croustillantes. Une toute petite tranche de vie de papy Pétrard ?

Page 7 (mais si ! première page en réalité)



Rêvé de Fourchette.
Ce n’était pas un surnom, elle s’appelait réellement Fourchette. Lucette Fourchette. Mais on ne l’appelait que Fourchette. Évidemment si elle s’était appelée Dupont, on l’aurait appelée Lucette. […] Fourchette, ça fait restauration, les routiers se seraient marrés : « Hé, Fourchette, t’as oublié les cuillères. » […] Courte liaison marquée par une particularité, à mon avis peu usuelle : au lit, fourchette riait. Dit comme ça, ça semble assez sympathique ; en fait, un demi-siècle plus tard, j’en demeure horripilé.



Et c’est comme ça pendant 238 pages ! J’aime pas compter les pages d’un livre mais là, c’est 238 pages qui font rire, mais vraiment rire, qui émeuvent parfois et, ce qui surprend, c’est que Julien, cet exaspérant vieillard, avoue d’emblée qu’il écrit comme un manche. Coup de maître de Cauvin qui s’autorise alors à faire fi de tous les codes d’écriture : il se lâche, Cauvin quand il prête sa plume à Papy-grognon. Mais pourquoi il grogne, le papy ? Pour rien, comme ça, pour tout, absolument tout : son prof de français mort depuis des décennies sur la tombe duquel il ne manque jamais d’aller se plaindre, sa vieille copine chez qui il va dîner chaque semaine, l'épicière qui ferme boutique sans crier gare!, les voisins qui ne parlent que du temps qu’il fait, la nourriture, les jeunes vendeuses des boutiques aussi. Lisez, c’est page 28 et papy a besoin d’une chemise :

On a beau vous dire « vous ne faites pas votre âge », en supposant même que vous en paraissiez dix de moins, lorsque vous en avez quatre-vingt-quatre, il vous en reste quand même soixante-quatorze à assumer. Ce qui signifie que, de toute façon, même vu sous votre meilleur angle, dans la pénombre et par temps de brouillard, vous n’avez quand même pas l’air frais du jour.

J’avais ce jour-là besoin d’une chemise. J’avais en repassant brûlé l’une des miennes sur le devant, juste à l’endroit où je fais des taches lorsque je force sur la sauce bolognaise. La forme du fer à repasser était parfaitement visible. Foutue.

J’étais donc allé, moderne Christophe Colomb, à la recherche d’une chemise et, dès les premiers pas, étais tombé dans les griffes d’une mouflette vendeuse. Celle-ci avait une particularité qui la distinguait de la plupart de ses congénères, elle portait un pantalon manifestement de quinze tailles au-dessus, et, si je n’avais pas jugé que ma remarque pourrait être inconvenante, je l’aurais volontiers prévenue qu’elle risquait à chaque seconde de le perdre, mais un vieux fond d’égoïsme me fit penser que si elle se retrouvait le cul à l’air en plein magasin, elle s’en apercevrait bien elle-même.



Mais on parlait d’une aventure extraordinaire, non ? Oh ! Vous croyez quand même pas que je vais tout raconter ! Bon d’accord… Vous fumez ? Moi oui (mais si… mais comme dirait mon mari : « Il te faut bien un défaut ») Bref je fume et j’achète mon tabac comme tout le monde chez le marchand de tabac. Il aime pas ça, mon marchand, les cigarettes mais il en vend parce qu’il faut bien qu’il vende quelque chose (c’est ce qu’il dit) mais, heureusement pour moi, jamais il ne lui viendrait à l’idée de dire : « Il vous en reste 17 ». Dans "Les Pantoufles du samouraï", il y a bien une sorte d'hurluberlu qui fait ça, dire à ses clients combien il leur reste de clopes à fumer, de bouteilles de rouge à vider... Un cauchemar pour les clients. Et puis ? Et puis on lit, pour l’intrigue, mais surtout pour la verve hilarante de Papy Julien. Un vrai ensorceleur ! Pas le papy. Cauvin bien sûr !

7 commentaires:

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  2. Voui, bon, j'ai bugué grave dans le commentaire précédent, donc *couic*
    La page 28 est pas mal du tout, mais ma préférence va quand même à la page 7. Ah que oui !

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  3. ah! le début de ce bouquin! trop comique!!! J'ai dû abréger, dommage parce que ce passage, c'est du tout bon!

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  4. je vais me le chercher dès que je peux conduire!

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  5. Ah! super! Moi, depuis, j'adore les vieux râleurs :)

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  6. tu as deja lu Joseph COnnolly? c'est un peu ce genre d'humour, mais plus caustique, plus pince-ss-rire, a l'anglaise quoi. l'un de ses romans a ete adapte au cine français "Embrassez qui vous voudrez". j'imagine donc que ses romans ont du etre traduits en français

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  7. je connais mais j'ai jamais lu, je note, merci!!

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